(Pédopsychiatre,
Présidente de l'association NT-Psy de Paris)
Les problèmes psychologiques des enfants sont depuis quelques années une
réelle préoccupation au Vietnam. Certaines pathologies qui n'étaient guère
connues font leur apparition : l'autisme, l'hyperactivité, les troubles
des conduites alimentaires pour citer ceux dont on entend le plus parler mais
il y a aussi des problèmes des adolescents : toxicomanies, tentatives de
suicide, crises d'hystérie, conduites à risque.
Si bien que plusieurs associations françaises (et autres) sont sollitées
pour faire des formations en psychiatrie
de l'enfant. La question se pose alors de savoir si l'on peut transplanter
directement nos pratiques françaises ou occidentales au Vietnam ou s'il ne faut
pas prendre en compte la différence culturelle, les phénomènes d'acculturation,
c'est-à-dire la rencontre de la culture traditionnelle avec la mondialisation
des échanges, la technologie moderne, le développement des médias, ce que l'on
pourrait appeler « la culture moderne ».
Ces nouveaux apports qui viennent de l'extérieur bouleversent la société
traditionnelle. La vitesse de ce bouleversement rend presque impossible
l'élaboration d'une nouvelle culture, culture de compromis qui puisse être
transmise et enseigner à la mesure de ces changements. Quel est le lien avec
l'apparition de ces nouvelles pathologies qui existent en Occident mais que
l'on rencontrait très peu ou pas au Vietnam il y a une quinzaine
d'années ? Les prises en charge thérapeutiques doivent-elles prendre en
compte le contexte particulier de l'émergence de ces pathologies ?
• Nous voulons dans
cet article montrer la place de la culture dans le dévelopement d'un enfant et
donc l'importance de la transmission dans l'éducation des enfants.
• Nous montrerons
également que la médecine moderne occidentale ne peut pas, à elle seule,
répondre tous les problèmes psychologiques des enfants et des adolescents.
• Nous voulons ensuite
dire combien le travail du docteur Nguyen Khac Vien entrepris il y a 30 ans
nous semble moderne et toujours d'actualité.
Il a anticipé tout ce qui se dit et s'étudie aujourd'hui dans le domaine
des effets de la mondialisation des échanges sur les sociétés au développement
rapide et donc sur les enfants ; il a abordé la question de transfert des
connaissances. Ses réflexions devraient servir de base à toutes les personnes
voulant enseigner la pédopsychiatrie au Vietnam mais aussi aux Vietnamiens
eux-mêmes, car il me semble que la jeune génération ne connaît guère ses
ouvrages et qu'ils ont une confiance un peu aveugle dans la science, ayant la
tentation de rejeter en bloc la sagesse des anciens.
Que pouvons nous dire de l'influence de la culture dans le développement
d'un enfant ? Les recherches sur ce sujet sont nouvelles et ont pour
origine les travaux des ethnologues et ethnopsychiatres confrontés, dans les
pays dits développés, aux populations migrantes et aux troubles psychiques qui
peuvent résulter de la migration. Elles ont une quarantaine d'années. La
confrontation entre deux cultures n'est pas toujours facile surtout pour les
enfants de migrants car ils sont pris dans des conflits de loyauté.
Cette problématique s'aborde sous l'aspect de la filiation tout d'arbord.
Qu'est ce que la filiation ? Ce sont les liens de parenté qui unissent un
être humain à ses parents, à son groupe familial mais aussi à l'ensemble des
générations de sa famille. Cette filiation a deux aspects, un aspect génétique
connu de tous et un aspect psychologique.
Peut-on définir l'aspect psychologique de la filiation ? Il sera lié
bien sûr à la façon dont une famille élève un enfant, les valeurs que l'on
souhaite lui transmettre. Les adultes d'aujourd'hui qui ont souvent été élevés
dans un climat autoritaire et qui ont souffert des privations liées à la guerre
souhaitent éléver leurs enfants autrement. On gâte les enfants, on ne les punit
plus guère. Qu'y a-t-il-transmettre doivent penser certains si ce n'est enfin,
après tant d'années difficiles, une certaine aptitude au bonheur. Et qu'est ce
que le bonheur, comment cela s'enseigne-t-il ?
La transmission transgénérationnelle
(c'est le nom qu'on peut donner à cette problématique de la filiation) se retrouve
aussi dans les modes de maternage, l'apprentissage des premiers interdits, du
respect des personnes, des vertus de solidarité ect. Le docteur Luong Can Liem
pense que le Karma est la vertion traditionnelle de la transmission
transgénérationnelle. Quand un bébé naît, il est déjà inscrit dans une
histoire. L'hisroire de sa famille, l'histoire des générations qui l'ont
précédé. Peut-on gommer cela sans danger ?
Quand tout se passe bien, on ne s'en rend pas compte. Mais il peut y avoir
des avatars à cette transmission dont l'enfant va souffrir.
Je donnerai deux exemples qui viennent de France.
Dans certaines familles par exemple, on ne raconte pas l'histoire de la
famille. C'est ce que l'on appelle les non dits. Il s'agit souvent de masquer
les conflits familiaux ; l'enfant les perçoit confusément de toute façon
sans savoir vraiment de quoi il s'agit, sans pouvoir mettre des mots et de la
compréhension à ce qu'il ressent.
Voici un premier exemple : c'est un enfant de 9 ans qui échouait en
classe dans toutes les matières, il était perpétuellement
« ailleurs ». Lorsque la psychologue le reçoit, il revient de
vacances chez ses grands-parents, raconte-t-il. Cependant, il est incapable de
répondre aux questions sur ce qu'il y a fait, comment il les appelle, si ce
sont les parents de son père, s'il se plaît chez eux. La mère va dire qu'en
réalité, la grand-mère est morte et que le grand-père, qui a reçu Emile, est
brouillé evec son fils. Celui-ci, le père d'Emile, ne lui en parle jamais. Le
fils ne « sait » donc rien de ses grands-parents, rayés par la mort
d'une part et par son père de l'autre. Rien ne lui a été transmis, sinon
l'absence ; il ne peut rien en dire. La mère accepte de faire l'arbre
généalogique de la famille devant son fils en présence de la psychologue. Il se
trouve qu'elle connait très bien la généalogie des familles paternelle et
maternelle d'Emile. Devant les yeux tout à coup fascinés de cet enfant, cette
famille, la sienne, commence à prendre vie. On y voit un arrière-grand-père
centenaire, la famille adoptive de la mère mais aussi sa famille biologique qui
avait gardé le contact ; on y découvre une très nombreuse famille
paternelle. Pendant l'exécution de cet arbre généalogique Emile reprend vie lui
aussi de façon bouleversante. Il demande avec enthousiasme d'aller voir le
centenaire, il demande pourquoi son père est brouillé evec son grand-père et
beaucoup d'autres détails. Le père demande à voir la psychologue car il
comprend tout à coup l'immense importance de l'ancrage d'un enfant dans son histoire
familiale. Le père décide de se réconcilier avec son propre père, et de parler
davantage avec son fils. Emile reprend goût à l'école presque immédiatement, il
revient voir sa psychologue seulement pour quelques séances, à la fin
desquelles il déclare avec enthousiasme : « Plus tard, je serai
historien ! ».
Il y a aussi plus profondement ce que nous appelons le secret de familles.
Voici une autre histoire qu'un psychanalyste nous a raconté. Le secret concerne
des évènements de la guerre 39/45.
Un jeune homme est adressé à un thérapeute pour délinquance grave, il était
l'auteur de plus attaques à coups de couteau. Au cours de la thérapie, le
médecin a pu découvrir un secret d'une extrême gravité : le père de ce
jeune homme, résistant, avait été dénoncé par son propre père aux Allemands et
avait été déporté en camp de concentration. Il en était revenu dans l'état que
vous imaginez, avec un terrible désir de vengeance contre le père qu'il avait
refoulé de son mieux. Ce terrible désir de vengeance que le père avait du mal à
garder en lui s'était transmis au fils d'une manière insconciente et diffuse et
le condamnait à attaquer sans cesse. Le dévoilement au cours du travail
thérapeutique de ce secret effrayant a stoppé toute délinquance.
Pour ne pas créer des conflits dans sa famille et surtout pouvoir surmonter
son désir de vengeance, le père du jeune homme taisait la violence que lui
avait faite son propre père. C'est le jeune homme qui en a porté les
conséquences.
Cette histoire nous montre aussi que cette transmission se passe sur plus
générations. Quand il y a des difficultés dans une famille, on découvre souvent
que les trois générations sont impliquées.
C'est à partir de ce qui est constitué un problème, une famille, un manque
dans les générations qui précèdent l'enfant que s'organise la transmission
inconsciente. Ce problème, cette faille, ce manque n'ont pas pu parvenir
clairement à la conscience pour être pensé puis parlé dans la famille.
Je pense que l'on retrouve des histoires voisines au Vietnam. Elles ont
sûrement une connotation psychologique particulière liée aux évènements propres
au Vietnam. Il serait intéressant d'en faire l'étude. La première histoire
clinique est purement psychologique, c'est-à-dire intrafamiliale. La deuxième
est en relation avec la guerre, c'est-à-dire la grande histoire.
Ceci se passe à l'intérieur des familles. Il y a aussi d'un autre côté les
liens que nous créons avec la société, le pays et les groupes d'appartenance
diverses auxquels nous adhérons. Ces liens sont indispensables pour une bonne
intégration sociale. C'est ce que l'on appelle l'affiliation. On peut la définir comme l'adhésion ou l'association
plus ou moins formelle d'une personne ou d'un groupe de personnes à une
organisation, pour participer à ses activités ou bénéficier de ses avantages.
Cette transmission se fait par l'école, les lieux de culte que l'on fréquente,
les associations politiques auxquelles on appartient, mais également les associations
culturelles, sportives et autres.
Or aujourd'hui toutes ces transmissions sont en pleine mutation du fait des
évolutions de la société. Je pense que dans un pays comme le Vietnam, il n'y a
pas besoin de migration pour vivre une acculturation liée à la rencontre avec
la modernité. Ce sont les adultes vivent des conflits de loyauté entre leur
famille d'origine et la façon dont ils souhaitent construire leur propre
famille. Les adultes sont déjà engagés dans la vie, Ils s'accommodent de ces
changements dont ils tirent par ailleurs bénéfices. Mais les jeunes vivent de
plein fouet ce que l'on peut appeler un manque de cohérence dans les
affiliations multiples qui se présentent à eux. Or, ne l'oublions pas, l'adolescence
est le moment où le jeune, sous la poussée des pulsions sexuelles, se détache
de la famille pour chercher des relations affectives en dehors d'elle et
construire son propre avenir. Là aussi, que de changements rapides.
L'adolescent va revendiquer de vivre selon ce qu'il perçoit du monde qui
l'entoure, dans lequel les médias ont une grande place. Il n'a pourtant pas
encore acquis la capacité de discerner ce qui est bon pour lui de ce qui peut
le détruire. Il met à l'épreuve ses capacités par des conduites à risques, il
veut faire des expériences. Il voudrait pouvoir parler de son désarroi, de ses
angoisses devant un monde dont il ne connait pas encore le mode d'emploi, mais
il ne sait pas à qui s'adresser. Il se retrouve alors souvent en bande evec
d'autres jeunes qui partagent les mêmes difficultés et ne lui demandent pas de
rendre des comptes comme le font en général les adultes. Il arrive que les
parents decouvrent alors un enfant qu'ils ne reconnaissent plus. « Ce
n'est pas cela que nous avons voulu quand nous avons décidé d'élever notre
enfant de façon différente de celle dans laquelle nous avons été élevés nous
mêmes ». Une culpabilité insconciente s'installe chez les parents par
rapport aux changements qu'ils ont voulus introduire dans l'éducation de leur
enfant. Ils pensent souvent qu'ils sont punis de ne pas avoir respecté les
traditions et que leur enfant va mal tourner. Ils essayent alors de
réintroduire des pratiques éducatives sévères qu'ils ont bien connues mais qui
ne sont plus tout adaptées, ou bien ils se sentent impuissants. Dans les deux
cas les jeunes se sentent incompris et les problèmes peuvent apparaître. Tout
ce que le jeune veut expérimenter n'est pas mauvais. Mais les familles ont du
mal à suivre car ces changerments qu'ils acceptent et auxquels ils participent
leur ont été d'une certaine façon imposés par l'ouverture économique.
L'issue est dans un travail en commun avec leurs enfants pour construire de
nouvelles affiliations dans le respect des filiations familiales. Ce travail de
construction est difficile dans une société qui évolue si rapidement.
Chaque famille est amenée à construire elle-même ses propres références.
Que peut-on proposer pour faciliter les choses ?
Les médecins vietnamiens se tournent facilement vers la médecine moderne
quand un enfant ou un adolescent a un problème. Si elle a permis des progrès
considérables dans les soins pour les maladies aiguës et les accidents, elle ne
sait pas répondre aux maladies chroniques, aux problèmes de
« terrain » fragile ou fragilisé. Dans ce domaine l'approche
traditionnelle de la santé semble beaucoup plus pertinente car elle prend en
considération la personne globale. Pour la psychiatrie, la médecine
scientifique ne constitue qu'une part de la compréhension et de la prise en
charge des troubles qui se manifestent. En effet, la psychiatrie est une
branche particulière de la médecine qui s'inscrit à la charnière du
neurobiologique, du psychologique et du socioculturel. Par ailleurs il ne faut
pas oublier que la psychiatrie moderne que l'on présente le plus souvent à
travers la classification de l'OMS car elle se veut universelle, est une
idéologie. Elle se veut absolument scientifique, c'est à-dire sans référence
théorique à une quelconque conception de l'être humain, ce qui est un leurre.
L'homme a besoin de donner un sens à ce qu'il vit en relation avec, à ce qui
l'entoure. L'idéologie sous-jacente peut se formuler comme la possibilité,
grâce à la science, de faire disparaître souffrances et sentiments d'incomplétude.
Nous pourrions devenir des mécaniques bien huilées avec un fonctionnement le
plus parfait possible. Ceci n'est qu'une illusion, particulièrement manifeste
quand il s'agit de la pschiatrie. Donnons donc à la médecine sa place, toute sa
place mais rien que sa place.
Mais à quoi se référer alors ? Les enseignements psychologiques qui
viennent des pays occidentaux sont si variés dans leur approche théorique qu'il
est bien difficile de faire un choix. Elles sont en plus déconnectées des
habitudes de penser traditionnelles. Ce savoir en Occident nous l'avons, nous
les Occidentaux, construit progressivement en relation avec notre propre
évolution, notre façon de négocier notre passage à la modernité que nous avons
nous-même construite. Nous n'avons donc pas de mal à nous situer par rapport à
lui et à faire des choix en fonction de nos convictions. N'oublions pas non
plus que s'il y a tant de différents abords de la psychiatrie et de la
psychopathologie, C'est qu'aucun de ces savoirs modernes n'a encore permis
d'apporter une réelle solution aux troubles psychiques.
Comment construire une pratique psychiatrique adaptée à un pays en plein
évolution.
C'est là que nous retrouvons le Docteur Nguyen Khac Vien, ses intuitions et
ses travaux.
Il a fait un diagnostic de la société vietnamienne, il a proposé un
programme de recherche pour mieux cerné la réalité du vécu des familles et il a
proposé des solutions qu'il faut encore développer mais dont les lignes
directrices nous semblent tout à fait valable aujourd'hui.
1, Son diagnostic sur les souffrances de la société vietnamienne était la
suivante. Je le cite : « La société vietnamienne est en train de
passer d'une société traditionnelle à une société moderne, c'est-à-dire
urbanisée et industrialisée, et surtout la femme, la mère travaillant. La
famille nucléaire n'est plus encadrée quotidiennement par d'autres structures
comme la grande famille, la famille élargie, le hameau, le village, la
communauté rurale, et la communauté des ancêtres. La famille nucléaire isolée.
Cela crée des troubles. Les rapports entre mari et femme, parents et enfants ne
sont plus codifiés comme autre fois. Les gens doivent chercher eux-mêmes leur
voie (...) Les enfants qui grandissent dans ce contexte ne peuvent plus
s'accrocher à des valeurs et des institutions bien établies comme autrefois. Et
les parents de leurs côté, intérieurement, ne sont plus aussi sûrs d'eux-mêmes
et des valeurs qu'ils ont à transmettre ».
Nous retrouvons toute
la problématique des conséquences de cette acculturation dont nous avons parlé.
Cela concerne la place de la culture dans le développement des enfants.
2, Il a établi un programme de recherche : « La première tâche,
c'est la collecte des cas cliniques pour rester au plus près de la réalité
vécue des personnes. Puis il y a la mise en commun des connaissances.
Troisièmement : réalisation de brochures, de livres en vietnamien pour
rendre la psychologie accessible à tous. Là se pose en problème. Je dis souvent
qu'il faut créer une littérature psychologique en langue vietnamienne (...)
Nous disposons d'un large éventail de concepts d'origine littéraire,
philosophique religieuse qui renferment déjà des notions de psychologie et dont
nous devons nous inspirer : vocabulaire confucéen, bouddhiste, taoïste
(...) Comment établir un pont entre les concepts de la psychologie moderne et
ceux enracinés dans nos traditions et rodés par des siècles d'usage ? Les
termes anciens ont un avantage : ce sont souvent des termes synthétiques
qui résument une situation concrète. Tandis que les termes de la psychologie
occidentale sont des termes analitiques qui analisent des variables et des
déterminants. En combinant les approches, nous arrivons à trouver des
expressions qui signifient les deux choses en même temps et non pas séparément
(...) La vietnamisation de la psychologie commence par l'utilisation au maximum
des ressources de la langue, parce que la langue de chaque peuple, c'est la
réalité la plus durable, la plus concrète. »
Le linguiste américain Burrhus Skinner ne dirait pas autre chose.
3, Puis en ce qui concerne l'approche thérapeutique,il a d'arbord conçu une approche de la
psychologie à partir des trois axes : l'axe biologique, l'axe
psychologique et l'axe socioculturel. C'est une approche que retiennent depuis
une vingtaine d'année des pédopsychiatres français les plus à la pointe comme
Bernard Golse, Marie-Rose Moro et bien d'autres.
Il a ensuite, grâce à son programme de recherche auprès des familles,
cherché analyser les difficultés et souffrances des familles en fonction de ces
trois axes. A partir de là il a construit les prémisses d'une intervention
familiale thérapeutique dont le but est de refaire circuler la parole dans le
groupe familial, entre parents et enfants et aussi parfois avec les
grands-parents, rassemblant ainsi trois génégations. Le Docteur Luong Can Liêm
que la famille élargie dans le Vietnam traditionnel sert d'instance tierce, elle
permet d'aborder les problèmes en suspens sans craindre de les aggraver. Cela
risque, par contre, de se passer quand les protagonistes sont directements en
présence. Dans la société d'aujourd'hui où la famille élargie ne joue plus son
rôle, le recours à un psychologue ou un psychiatre peut constituer cette
instance tierce et donc recréer du lien dans les familles et apaiser les
tensions. Je rajouterai que les ristes et coutumes servaient également de
fonction tierce du fait du recours au tiers spirituel qui était ainsi
introduit.
Si l'on regarde les études publiées sous la direction de Nguyen Khac Vien
dans « Recherches sur la psychologie familiale au Vietnam »,
elles sont très documentées et riches en histoires cliniques. On y parle aussi
bien des difficultés que traversent les familles pour des raisons purement
psychologiques ou face à la modernité ; on y parle également du type
d'intervention que l'on peut pratiquer pour aider à la résolution de la crise.
Son idée, comme nous l'avons dit, était de faire circuler la parole dans les
familles sur les problèmes et les difficultés observées pour que chacun puisse
petit à petit, se repositionner à sa place propre dans la famille et par
rapport aux autres, condition nécessaire pour pouvoir se développer et s'autonomiser.
L'approche des problèmes familiaux par les thérapies familiales telles
qu'elles sont mises en place aussi bien par les paychanalystes que par les
systémiciens va dans cette direction.
Je rajouterai quant à moi une spécificité vietnamienne : la prise en
compte de la famille comme un objet d'investissement affectif propre. Cela
transparaît des observations de Nguyen Khac Vien.
Pourquoi donc chercher ailleurs ce qui a déjà été pensé et défriché par le
docteur Nguyen Khac Vien ? Il a cherché grâce à sa connaissance bien
intégrée de sa culture et de la culture occidentale à faire des liens entre les
deux cultures. Il a voulu également faire une place prépondérante à la prise en
charge des enfants et des jeunes, aussi bien pour le traitement des troubles
que pour la prévention. L'avenir passe affectivement par la jeunesse et c'est
elle qu'il faut aider en premier.
Ce serait une erreur de laisser de côté tout le travail du Docteur Nguyen
Khac Vien. Comprenant la nécessité de ne pas ajouter à la confusion présente en
transférant purement et simplement la psychologie et la psychiatrie occidentale
à la réalité vietnamienne, il plaidait pour la construction d'une psychologie
vietnamienne. Pour faire reconnaître le Docteur Vien comme le précurseur qu'il
fut, c'est au Vietnam d'arbord, parmi les jeunes générations, qu'il faut savoir
le redécouvrir, l'apprécier et l'utiliser.
(Extrait de la Revue
Etudes Vietnamiennes No1-2007 (163)des Editions du Monde à Hanoi-Vietnam)
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