NT Foundation - Psychoclinique de l’enfant et de l’adolescent au Vietnam
 
 
 
 
Psychoclinique de l’enfant et de l’adolescent au Vietnam

 

La formation des attitudes Freud et Wallon

Nguyên Thanh Huong

Maitre de conférences à Paris VIII

Introduction

II n’est certes pas nécessaire de ramener I’étude de la formation des attitudes affectives chez I’enfant af un essai de confrontation entre les points de vue de Freud et Wallon sur le développement affectif. Nous y avons été amenés, cependant, par la force des choses.

 

Les termes d’attiude et d’affectivite sont , on le sait, d’acception assez  variable et ambigue. Une revue gesneerale des travaux portant sur cette question nous amena à penser que tous les attitudes sont d’ordre  affecttif . cette intuition se heurta, cependant, à une conception fonctionnaliste asez généralisée des attitudes, comme du phénomène affective. On parle couramment d’attitudes motrice, perceptive, représantive, intellectuelle, affective, etc. Quant à l’affectivité, on la concoit comme une function comprenant les esmotions, les sentiments, les passions, les tendances et les motivations; les deux dernières faisant partie tantôt de la function affective quand ells se rapportent à la sphère des besions végétatifs instinctifs, tantôt des function motrice , reprétentative et intellectuellequand il s’agit des autres motivations. Or cet état de chose couvre de numbreuses contradictions et ambiguityés , comme on peut le constater à la lecture des symposiums consacrés aux Attitudes (1959) et aux Motivations (1958).

Il nous faut donc avant tout essayer de clarifier les choses, tenter de cerner les notions d’attitude et surtout d’affectivité dans une perspective génestique . Dans cette approche, l’oeuvre de Freud et celle de Wallon se présentent tout naturellement comme un domaine de prédilection . Non seulement l’affectivité y occupe une place d’importance mais elle se trouve englobée dans une conception générale du desveloppement. Notre lecture de Freud et de Wallon a été de nature concentrique. Dans un premier temps, nous nous attachâmes à cerner les caractéristiques des manifestations affectives deescrites par ces auteurs et les rapports qu’ils ont desgagés entre cellesci et les autres activités psychiques. Dans un second temps nous entreprimes une étude critique de leur conception respective du desveloppement affectif, étude critique qui nous amena à eslaborer une synthèse susceptible de comprendre les données recueillies aussi bien par Freud et les psychanalystes que par Wallon et les psychologies d’enfants. Cette synthèse se présente sous la forme d’une esquisse très modeste d’une conception génétique de la vie affective.

Il n’est pas impossible d’envisager d’exposer la formation des attitudes affectives de la facon suivante. En pregnant les termes d’attitudes affectives dans un sens très general et quelque peu indéfini et en operant des descoupages plus ou moins arbitrarement dans le développement  pour constituer des estapes, on arriverait certainement à grouper dans différentes tranches d’aage les données recueillies par les uns et par les autres avec leur explication respective.

 

 

Docteur Nguyen Khac Vien

                                                                                Revue Etudes vietnamiennes no2/2001

Introduction

C'est un plaisir que d'introduire cet ouvrage, un seul regret: n'avoir pas eu la chance de rencontrer le docteur Nguyễn Khắc Viện. Cependant, j'ai lu ses oeuvres, vu ses enregistrements vidéo et, surtout, j'ai entendu parler de lui par son épouse, Madame Nguyễn Thị Nhất et plusieurs collègues qui l'ont connu. Cela m'a incité à introduire ce travail car j'avais le sentiment d'avoir affaire avec une personnalité d'un électisme et d'une ouverture très exceptionnelle. Ce qui transmet montre, dès les premières lignes,qu'il veut nous inciter à penser autrement, sortir des clichés d'une médecine trop normative. Ainsi, au lieu de parler de "symptôme pathologique", il préfère la notion plus générale, plus souple et, en définitive, plus appropriée de "trouble psychologique", car c'est bien de cela dont il s'agit: ne plus, comme autrefois, cantonner les choses dans la notion de "maladie mentale" mais réfléchir à ce qui, dans la vie de l'enfant, a pu engendrer une perturbation. De plus, le docteur Vien élargit le cadre de l'approche des patients. Le médecin n'est plus seul concerné mais aussi les psychologues, les infirmiers et infirmières, les travailleurs sociaux ainsi que les instances éducatives et même la Justice. C'est une approche pluridisciplinaire don't il constate la nécessité et qu'il faut mettre en place. Vaste projet.

            Un deuxième élargissement vient, en conséquence, agrandir la tâche. Aux troubles dit "psychologiques", qui concernent l'enfant ou l'adolescent pris isolément, sont articulés ceux de la sphère socio-culturelle liés à la tradition et à ses fixations. Dans les cas cliniques exposés, le docteur Viên fait la part de ce qui revient aux diverses attitudes intérieures face aux problèmes considérés allant de la rigidité excessive au laxisme qui peuvent déboucher sur une certaine incompréhension des besoins psycho-affectif de base des enfants.

            Un troisième élargissement est constitué par l'attention toute particulière qu'il préconise à l'histoire de la famille des enfants. C'est un point qui me touche tout particulièrement en tant que psychothérapeute familial où les troubles psychologiques d'un enfant ou d'un adolescent ne sont pas à envisager seulement sur le plan individuel d'une "maladie", mais dans le cadre de son contexte familial ou ce qui le représente. Il m'a paru que la société vietnamienne, qui possède une longue tradition familiale, devait être particulièrement sensible à cette approche. De sorte que l'explication d'un trouble de l'enfant par rapport à son contexte devait trouver une écoute attentive et bienveillante. Ainsi, le psychiatre, débarrassé à présent de son étiquette de "médecin des fous" se verra plus facilement confier un enfant, par exemple, simplement affecté d'un trouble névrotique peu prononcé ou bien le cas banal d'une énurésie.

            Les exemples cliniques exposés sont judicieusement choisis: selon une gravité croissante des symptômes. Ceci est important car relativement à ces questions, on a toujours tendance à se laisser capter par les cas graves qui présentent des difficultés extrêmes pour être traités. Or, on n'apprend bien qu'en étant confrontés à des difficultés croissantes. Ainsi, pour commencer, le docteur Viên nous montre le trouble d'un enfant qui cède à de simples conseils de bon sens. Cela se poursuit par l'exposé de problématiques liées à l'incompréhension des parents à l'égard des situations auxquelles leurs enfants peuvent être confrontés. Sans entrer dans les détails des présentations successives, je me bornerais à dire, qu'en fin de présentation, nous sommes confrontés à un cas de violence à enfant d'une grande cruauté dont le pronostic est, bien entendu, sombre et dont la complexité conduit à évoquer des solutions en rapport avec la justice. En allant du plus simple au plus complexe, on comprend mieux le sens de la mise en place du dispositif que l'auteur propose.

            Avec ces pages très denses, le docteur Viên montre par ces exemples le bien-fondé de la "création d'une nouvelle discipline: psychologie clinique et psychopathologique au Vietnam". En tant que psychanalyste, j'ai été sensible à l'évocation des travaux de Freud lorsqu'il écrit: "Il est difficile de ne pas se référer au concept en psychiatrie qui est le complexe d'Oedipe: les petits garçons de 2 à 5 ans voient tous en leur père un ennemi qui s'approprie l'amour de leur mère; ils vivent dans un état contradictoire, aimant respectueusement leur père tout en éprouvant de la jalousie à son égard". En effet, ce "trouble" qui peut paraître très banal pour certains est, en fait, à l'origine de bien des perturbations d'un enfant lorsque, dans l'entourage immédiat de celui-ci, la relativité de la perspective infantile est absente tendant à faire prendre au sérieux les expressions de son agressivité. Il est regrettable qu'un père puisse sentir en son très jeune fils un rival qui pourrait s'approprier sa femme, il en serait, d'ailleurs, de même si la mère voyait en sa fille une rivale, c'est ce que le docteur Nguyên Khac Viên veut nous faire comprendre. Donc, n'oublions pas qu'un enfant est un enfant.

            La deuxième partie, "Méthode clinique en psychologie", après un rapide survol historique de la méthode en psychiatrie, nous met en garde contre certaines tendances scientifisantes de certains collègues. En effet, les méthodes statistiques de la sociologie sont inapplicables en notre domaine car nous avons affaire avec des problèmes "micro". Pour essayer de cerner la question, il propose de tenir compte des trois facteurs "SXT" (facteurs biologiques, sociaux et psychologiques) qui influencent la personnalité, ce qui est judicieux, mais, de toutes façons, dit-il, il faut être électique, ce qui veut dire que nous ne devons pas être inféodés à des approches trop rigides, unidirectionnelles ou dogmatiques et, malgré l'importance et la valeur des apports scientifiques, c'est la personne du médecin ou du psychologue qui, par son jugement personnel, saura le mieux faire la synthèse des données fournies qui aura la meilleure notion des problèmes présentés. L'expérience prend, dès lors, une importance primordiale. Dans ce sens un point important qui peut surprendre, est de prévenir contre des diagnostics qui ne se fonderaient que sur des tests psychologiques. Fort judicieusement, il met en garde le néophyte qui, pour se rassurer face à des problèmes qu'il ne peut cerner avec certitude, pense "que la maîtrise des tests permet de détenir tous les secrets du métier en psychologie". Autre précepte essentiel qu'il énonce: "Le point primordial, ici est tout d'abord de respecter le point de vue du sujet, le psychologue ne doit pas se servir de ses points de vue culturel, éthique et philosophique pour porter un jugement sur son malade" et il met à nouveau en garde contre les réactions personnelles inconscientes. En psychanalyse, nous appelons cela le "contre-transfert" qui est un des obstacles majeurs à la bonne conduite d'une psychothérapie ou d'une analyse. En fait, l'ancien principe confucéen de se montrer compréhensif et ouvert avec tout le monde, sans prendre parti, est essentiel à appliquer, toutefois, on mesure dans ce texte combien il est parfois difficile de le faire et combien il faut être attentif à soi-même. La référence à un autre, éventuellement plus expérimenté, semble répondre à certaines difficultés. Quoi qu'il en soit, ce qui ressort de ce passage c'est la nécessité de l'échange pour évaluer une situation.

            Enfin, le docteur Nguyên Khac Viên aborde l'importance question de la terminologie. Il est certain que le problème de la traduction est un immense problème qu'il convient de résoudre pour bien se faire comprendre. Il y a des idées simpliste qui sont nécessairement réductrices et qui, de plus, comportent l'avantage, mais dans ce cas c'est un désavantage, d'être faciles à traduire. Ici encore, il faut favoriser les échanges. Le domaine dont il est question dans notre pratique est celui de l'intime et la théorie qui en découle est non moins subtile et concerne ce dont une langue tente de transmettre le caractère idiosyncrasique, il faut donc en pénétrer le coeur et en comprendre les nuances afin de nous comprendre au-delà des frontières linguistiques.

            Ce que j'ai particulièrement apprécié dans cette deuxième partie, c'est le passage sur la "Visite à domicile". Il est exceptionnel en France qu'un psychiatre se déplace dans la famille des patients. Nous avons sûrement beaucoup à apprendre en ce domaine. En effet, ainsi que le dit l'auteur, le psychothérapeute "est comme un intrus et peut être accueilli sur le pas de la porte seulement" et il est nécessaire d'avoir en tête, en la circonstante, tous les préceptes de sagesse qu'il évoque tout au long de ce texte.

            La troisième partie est très didactique et essentielle, nous nous retrouvons ici "sur la tas", au travail. Les en-têtes de sous-chapitres sont parlantes: "Etudes de cas", "Absence de la mère ou du père", "les névroses", "Epilepsie ou non", "Problèmes familiaux", "A propos de la lignée familiale", "Devant la mort", "Dimensions éthiques en psychopathologie". Le docteur Viên prend position d'une façon radicale concernant le point abordé précédemment: "En fait, faire de la psychothérapie de l'enfant et de la famille sans effectuer de visites à domicile équivaut à lancer un mouvement social sans se mêler à la masse et faire les choses ensemble" écrit-il. C'est un point fort de son enseignement et qui nécessite des qualités particulières. Personnellement, j'en partage le principe. D'une certaine façon il semble dire que les jeunes médecins sont plus aptes à le faire plutôt que de grands professeurs qui intimideraient les personnes de la famille. Il y a donc du travail pour tout le monde, si je puis dire. Mais, prévient-il, "quitter le contexte de l'hôpital pour se rendre dans celui de la maison familiale oblige le spécialiste à passer d'une position à une autre, c'est à dire d'un état d'esprit à un autre. Cela contribue aussi à le faire évoluer et prendre conscience de sa propre identité". J'ai délibérément souligné ce passage car le docteur Viên semble dire que cette démarche dans l'intimité de la famille des jeunes patients fait partie de l'enseignement et qu'elle en est même l'essentiel, celle qui signe que le médecin est vraiment ce qu'il doit être.

            Dans les deux premiers sous-chapitres, au travers des cas cliniques exposés, à nouveau l'auteur nous met en garde contre des attitudes systématiques qui, par exemple, ne se fixerait que sur le symptôme comme l'ICD 10 ou DSM-IV. Cela n'aide pas à "résoudre le problème psychologique" écrit-il, et plus loin: "il n'existe pas de classification mécanique des entités morbides comme pour la nosographie en médecine". Le principal outil "c'est le capital d'expériences et de connaissances, allié à la sensibilité du psychologue". Le reste n'a qu'un caractère complémentaire. Sans doute est-il aussi intéressant de noter que le docteur Viên ne semble pas considérer que l'acupuncture soit appropriée aux traitements  psychologiques. Dans le cas exposé, du fait que la mère ait beacoup cru en l'acupuncture et aux devins" écrit-il, il laisse entendre qu'une certaine attitude peut avoir un rôle défensif par rapport à des secrets de famille et, dans ce cas il s'agit d'une mère  qui semble ignorer les conséquences des séparations entre elle et son enfant.

            Plus profondément encore dans la descente aux enfers des familles, la visite à domicile fait pénétrer là où règnent la maltraitance et le viol incestueux avec les conséquences que l'on sait quant aux symptômes que ces exactions engendrent: toxicomanie, désirs de meutre, délinquance, affections psychosomatiques etc... L'auteur tente d'expliquer ces violences fidèles à son attitude de fond, sans les accuser ni les excuser, expliquant que ceux qui perpétuent de telles exactions ont eux-mêmes été victimes des mêmes abus durant leur enfance. C'est donc une chaîne qu'il faut interrompre et on perçoit ici les conséquences lointaines d'une longue et terrible guerre qui se sont ajoutées au lot habituel des problèmes sociaux pour créer des dissociations familiales graves. À cela s'ajoutent l'imcompréhention de certaines attitudes patriarcales traditionnelles qui s'accordent tous les droits dans la famille et qui peut conduire à de graves abus ainsi que le libéralisme lié aux transformations de la société sous l'action du modernisme. Une situation complexe où le culte des ancêtres essaie de survivre.

            Il paraît que l'attention du docteur Viên  se soit portée sur le rôle de la mère dans la vie précoce de l'enfant et, en rapport avec cela, ce qu'elle apporte sur le plan psycho-affectif dans la façon dont elle vit sa grossesse, son accouchement, les premiers temps de son enfant et, enfin, les répercussions de sa vie conjugale autour de cet événement capital de l'existence pour elle et pour l'avenir de l'enfant. Cet avenir, c'est pour beaucoup l'école. Je ne m'étendrai pas sur les réverses du docteur Viên au sujet du QI, elles coulent de source et il se méfie du "chapeau" que l'enfant devra porter toute sa vie... Un QI met une etiquette.

            Enfin, il y a la mort. Le Suicide, triste avenir chez l'adolescent. C'est sans doute ici où le docteur Viên montre le plus sa profonde compréhension de l'âme humaine, c'est ici aussi qu'il fait intervener le plus la psychanalyse. Il faut différencier les tentatives de suicide réelles et les autres. "Tout le monde a pensé au suicide à un moment donné" dit-il, cela peut surprendre. Il nous rappelle que les enfants ont connaissance de la mort plus tôt que l'on ne l'imagine et s'efforce de faire comprendre sous quelle forme elle peut se représenter dans leurs pensées. Il nous dit des vérités et ceci, en termes simples qui nous permettent d'y accéder. Le pouvoir didactique est puissant. Puis, il cherche les signes avant-coureurs d'un suicide réel: des troubles banals peuvent être annonciateurs de la catastrophe, de plus, il pense que certains accidents sont des suicides déguisés et il parle alors d'"actes manqués" enfin, on suit le parcours d'un complexe de culpabilité, il peut être refoulé" et conduire au suicide et il souligne alors l'importance des rites mortuaries destinés à lever cette culpabilité intérieure. Enfin, il y a les cas cliniques: la petite fille de six ans qui voulait mourir, le cas pathétique de la jeune fille de seize ans, la jeune lycéenne T qui se suicida. Incidence de la mort, de la folie, de la misère social et la difficulté pour des parents adoptifs à gérer de telles situations. Le docteur Viên nous oblige à être modeste car l'art est difficile en notre matière.

            La dernière partie de ce long article qui constitue, enfait, un livre, est consacrée à des cas adultes et de leurs enfants pris dans l'imbroglio de la guerre, des séparations, des combats, des investissements politiques, du travail, des idéaux, des adoptions et des conséquences de tout ceci. Concéquences sur eux-mêmes et chez leurs jeunes qu'ils ne peuvent parfois comprendre: drogue, délinquance, vols, instabilité, etc..., dur héritage pour ceux qui ont déjà tout donné dans la guerre...

            Que l'on me permette de revenir un instant en Occident, mais ce n'est que pour citer notre Ancêtre commun car celui-ci est universel, Hippocrate, cet illustre Grec qui vécut il y a 2500 ans et qui, sans aucun doute, n'hésitait pas à aller dans les familles de ses patients et qui édicta de nombreux précepts dont la sagesse est valable de nos jours, en particulier celui-ci, qui transcende les cultures et les nations: "l'amour de notre science est inséparable de l'amour de l'humanité". Confucius, je pense, n'aurait pas dit mieux. Puisse les hommes les écouter tous les deux comme le fit le docteur Nguyên Khac Viên, lui qui s'abreuva à ces deux sources vénérables et sages.

25 novembre 1998

Dr Claude Pigott

Président du Colège de psychanalyse groupale et familial à Paris

De la maladie mentale au­­­­­x troubles psychologiques

                                           Docteur  Nguyễn Khắc Viện

L'objet de notre étude concerne les phénomènes liés à ce que nous appelons les troubles psychologiques.

­­­­­­­­Nous préférons utiliser le terme de troubles psychologiques plutôt que celui de symptôme pathologique. Car le terme pathologie fait tout de suite penser à la médecine. Il est vrai que ce domaine a un rapport étroit avec la médecine et souvent, ce sont justement les médecins et les infirmiers qui sont les premières personnes à être contact avec ceux qui ont des problèmes. Mais en fait ce domaine se rapporte aussi à d'autres branches de spécialité: en général, toute personne ayant la responsabilité quotidienne d'enfants et d'adolescents comme l'éducateur, l'assistant social responsable d'organismes pour handicapés, orphelins et enfants de rues, délinquants, etc., rencontre souvent des cas de troubles psychologiques, doit savoir la façon d'y faire face et donc avoir des connaissances de base sur ce sujet.

Il est clair que l'on a affaire à une spécialité multidisciplinaire demandant la coordination de plusieurs branches d'activités; les lieux de consultation peuvent être gérés soit par la médecine ou l'éducation, soit le service social ou la justice, mais du point de vue de la science, aucun de ces domaines ne peut prétendre jouer un rôle exclusif. De même, on ne peut pas affirmer que cette spécialité fait partie des sciences naturelles, sciences humaines ou sciences sociales, c'est pourquoi plusieurs types de méthodologies pourront être utilisées indifféremment. Et il n'est aussi pas étonnant de voir qu'il est difficile d'arriver à une grande unanimité (sans être totale) entre les différentes écoles et les différents chercheurs scientifiques. Notre équipe de recherche a dû prendre en considération le contexte du pays et les capacités concrètes des chercheurs scientifiques pour procéder de façon la mieux appropriée et non pas de suivre mécaniquement tel modèle ou tel savoir-faire de tel pays ou telle école.

Avant tout, il est nécessaire de préciser clairement que ce domaine, bien qu'il soit relié à une discipline de la médecine qu'est la psychiatrie, n'y est relié seulement que par certains aspects et qu'il ne peut pas s'y rattacher. Actuellement, dans notre pays, la psychiatrie ne se préoccupe que d'un type de maladie spéciale que la médecine appelle la schizophrénie, que l'on appelle populairement la folie parce que le nombre de psychiatres est trop peu élevé si bien qu'ils ne peuvent pas aborder d'autres problèmes. C'est donc pouquoi les psychiatres ne se sont jamais attachés aux troubles psychologiques affectant particulièrement l'enfant de même que les parents ou l'école n'ont jamais emmené les enfants dans un hôpital psychiatrique (ne pensant pas que leurs enfants soient "fous"). Personne n'aura l'idée d'emmener un enfant énurésique ou ayant fugué dans un hôpital psychiatrique. Dans plusieurs pays, après près de 100 ans d'expérience, le terme de psychiatrie n'est plus utilisé, on emploie plutôt le terme "santé mentale"; dans notre pays, les médecins continuent à utiliser le terme psychiatrie avec une signification confuse, désignant tantôt la schizophrénie tantôt la psychologie en général, contrairement au sens du terme social couramment utilisé. À N-T, nous avons pris la mesure de supprimer le terme psychiatrie au profit de celui de psychologie pour parler d'une façon générale. Ainsi, on dit consultation psychologique à la place de consultation psychiatrique. Si l'on devait s'intégrer dans le cadre d'un hôpital psychiatrique, peu de gens viendraient nous consulter, de même que peu de médecins, infirmiers, éducateurs, cadres sociaux accepteraient de se former à cette discipline. De plus, comme cela se fait en France actuellement, la psychopathologie pour adulte et la psychopathologie pour enfant sont séparées en deux systèmes différents de consultation, de thérapie et d'assistance.

Ci-dessus, l'historique de ce problème abordé dans différents pays a été rapidement rappelé; ci-après, il nous faudra revenir point par point sur cet historique pour mieux comprendre les différents points de vue afin d'en tirer une expérience, espérant ainsi éviter le plus possible les chemins sinueux, et de perdre son temps et ses efforts. (En 1994, un cabinet de consultation a été ouvert à Ho Chi Minh-ville, avec pour enseigne inscrit en grosses lettres: Cabinet de Consultation Psychiatrique pour enfants. Nous avons eu l'occasion de faire remarquer que de cette façon aucun parent n'y conduira son enfant, après quoi, l'enseigne a été changée par Centre médico-pédagogique. Il y a eu aussi le projet de monter un Club de Santé Mentale où nous avons aussi dit que personne n'y viendrait car personne ne se considère comme "fou". On n'a plus entendu parler de ce Club par la suite).

Il est important de prêter attention au fait que la naissance de la psychologie et la psychopathologie de l'enfant revêt un caractère historique très net:

- Dans toute les sociétés en pleine période de changements rapides et profonds dus à l'industrialisation, à l'urbanisme, au modernisme, l'état d'âme des gens, dont les enfants, est facilement ébranlé, ce qui engendre des troubles. D'où, la nécessité chaque jour plus grande pour un plus grand nombre de personnes de rechercher une assistance et un traitement psychologiques.

- Dans les sociétés traditionnelles les gens connaissent aussi des troubles psychologiques. Et les problèmes sont en partie résolus à l'aide de tout un système d'us et coutumes, de règlements, de méthodes éducatives, de rites religieux parfois superstitieux. Dans la société moserne, la formation de plusieurs disciplines concernant l'homme, la biologie, les sciences humaines et sociales...permettent de développer des moyens et méthodes nouveaux pour influer sur la psychologie et aider à mieux comprendre la psychologie. C'est ainsi que s'est formée la branche de la psychologie qui s'est entièrement détachée de la philosophie, afin de devenir une science à qualification professionnelle précise, une spécialité.

Auparavant, alors qu'on pensait que beaucoup de problèmes ne dépendaient que de l'éducation des parents, ou bien n'étaient que du ressort de la médecine ou encore, ne relevaient que du domaine des enseignats et de l'école, on découvre petit à petit que l'influence de la famille, de la médecine, des enseignants, des religieux, n'est pas suffisant d'un point de vue pratique et théorique. Il faut encore l'intervention d'un spécialiste en psychologie qui utilise des méthodes particulières pour comprendre et résoudre les problèmes.

       Dans les pays industrialisés depuis longtemps comme en Europe ou en Amérique un certain nombre de chercheurs sont à l'avant-garde, la majorité étant des médecins. Au XIXe siècle, ont commencé un certain nombre de recherches sur les personnes enfermées dans des "asiles d'aliénés" afin d'éviter leurs actes dangereux pour la société. Par la suite, ces lieux ont été appelés "hôpitaux psychiatriques" car on y essayait de trouver les moyens de guérir. Jusqu'au milieu du XXe siècle, afin d'empêcher que les malades en états de crise deviennent dangereux pour lui-même et les autres, des méthodes brutales de répression étaient utilisées; de plus, parce qu'il n'y avait pas encore de traitement efficace, toute personne que l'on y avait fait entrer (souvent par la force) était considérée comme devant y vivre jusqu'à la fin de sa vie. L'hôpital psychiatrique formait un monde à part, complètement isolé de la société.

À partir de 1952, ont été découverts une série de médicaments qui ont une action directe efficace sur la psychologie, permettant notamment de couper les crises, les fantasmes, de limiter les angoisses et les peurs. Les malades ne représentent plus un danger pour la société, et peuvent plus facilement entrer en communication avec d'autres personnes. Les médicaments que l'on appelle des psychotropes sont utilisés en paraèlle avec des méthodes basées sur la psychologie. Le nom généralement donné à ces traitements est la psychothérapie. On ne peut pas dire encore que la "folie" peut être guérir, toutefois, cela a aidé plusieurs personnes à trouver des monments de stabilité qui peuvent se prolonger sur plusieurs années, durant lesquels la psychologie est redevenue normale et que le travail peut être repris.

Ces méthodes psychothérapiques ont été recherchées et préconisées depuis la fin du XIXe siècle et surtout au début du XXe siècle par les célèbres premiers chercheurs tels Janet, Freud, Pavlov, Wallon Winnicott...et depuis, leurs successeurs ont mis au point beaucoup d'autres méthodes pour agir sur la psychologie humaine et mieux en comprendre les mécanismes. Les chercheurs ont compris clairement qu'en dehors de la "folie" (appelée en médecine la schizophrénie) qui atteint 1% de la population, il y a au moins 10-15% de la population présentant des troubles psychologiques, pas aussi graves que la schizophrénie mais qui provoquent des difficultés dans dans la vie et empêchent de trouver des solutions normales aux problèmes familiaux, affectifs, même avec l'aide de la médecine authentique ou de l'éducation seulement.

Et pour ces types de troubles, plus la société se développe, plus le pourcentage de personnes devant être traitées est élevé, tandis que les maladies dues à la sous-nutrition, aux bactéries, aux parasites diminuent progressivement. On a bien vu resurgir récemment des maladies infectieuses toutefois la situation générale des épidémies s'est beaucoup améliorée par rapport au siècle dernier. La psychothérapie est devenue une spécialité qui mobilise le plus grand nombre de spécialistes et, après la Seconde guerre mondiale, dans les pays développés, se sont ouverts un grand nombre de cabinet de consultation, d'hôpitaux d'Etat ou privés pour les troubles psychologiques (rien que pour les médecins formés en psychiatrie aux Etats-Unis, leur nombre s'élève actuellement à près de 40.000 sans compter le nombre incalculable de spécialistes, techniciens en psychologie, de conseillers sociaux).

D'après le traité "Reducing risks for mental Disorders" de l'Institut de Médecine-Washington 1994, les auteurs Mrazek et Haggerty nous décrivent la situation aux Etats-Unis comme suit:

•-                  En 1991, environ 20% d'adultes sont atteints de troubles psychologiques si l'on compte sur l'année; mais si l'on tient compte de la vie entière d'une personne, ce taux est de 32%.

•-                  En 1978, le taux n'était que de 10-15%.

•-                  Concernant les enfants et les adolescents, le taux était de 12% en 1986. A partir de 1990, il est de 20%.

Wilfrid Hubert dans don traité "Les Psychothérapies" (voir la bibliographie) relate une enquête de grande envergure réalisée en 1987 en Allemagne fédérale par une équipe de spécialistes très expérimentés en clinique et en tests, donnant les données suivantes:

•-                  50% de la population est considérée comme saine;

•-                  50% des personnes, si elles viennent en consultation, présentent des troubles psychologiques pouvant être répertoriés dans la table de classification CID 10. Parmi elles, il y en a la moitié, soit 25% de la population qui sont atteints de troubles légers, 25% sont diagnostiqués comme des cas de maladie dont la moitié, soit 12,5% de la population doivent être traités à domicile. 4% de la population doivent être traités à l'hôpital. 8% sont considérés comme incurables, malades chroniques, malades devant réorganiser leur vie adaptée à leur état.

Il faut dire clairement que les enquêtes de cette envergure sont très rares car elles demandent un investissement en moyens spécialisés et en argent difficile à réaliser. Quoiqu'il en soit, la tendance générale montre clairement que, dans tous les pays, les troubles psychologiques atteignent chaque jour de plus en plus de nombreuses couches de la société, le nombre de psychologues augmente de plus en plus, la psychothérapie devient une spécialité mobilisant un personnel et un budjet plus grand que n'importe quelle autre discipline dans les pays développés. Cette tendance est aussi observée dans les pays développés.

       En ce qui concerne les enfants, la pédopsychiatrie s'est développée plus lentement car les cas de "folie" sont plus rares chez l'enfant que chez l'adulte. Mais avec la limitation des naissances, l'enfant, unique ou d'une famille de deux enfants, devient un "trésor" dont on se préoccupe beaucoup plus, les parents et les responsables font plus attention aux symptômes anormaux et recherchent les moyens de les soigner. La pédopsychiatrie est devenue ainsi une spécialité de pointe parmi les disciplines en science humaine. Les universités, les instituts de recherche rivalisent pour ouvrir des cours de spécialité, des stages de formations, des colloques nationaux et internationaux. L'Etat et la société investissent dans l'ouverture des centres de soins et encouragent les travaux de recherche.

       En Asie du Sud-Est, depuis les années 60, un certain nombre de chercheurs ont été envoyés aux Etats-Unis étudier, puis depuis les années 70 les universités ont ouvert des cours en psychopathologie de l'enfant. Au Japon, des gens ont déjà été envoyés aux Etats-Unis depuis 1945 si bien que cette spécialité a commencé à se développer dans les années 1960. Toutefois, les chercheurs japonais eux-mêmes reconnaissent que dans leur pays cette discipline n'a pas encore atteint le niveau aux Etats-Unis ou en Europe.

       Ainsi, si l'on compare avec les autres pays de l'Asie du Sud-Est, notre pays n'a jusqu'à présent aucune université qui n'ait officellement crée la discipline de psychopathologie de l'enfant, avec des unités pour effectuer des consultations, des tests, des traitements psychologiques d'une façon systématique. Le retard est de 20 ans sur ces pays. Il est de 50 à 60 ans sur les Etats-Unis ou l'Europe, et de 30 ans sur Japon (*).

       Sur le début du développement de la psychopathologie de l'enfant dans les pays de l'ASEAN, nous nous sommes appuyés sur le rapport du 1er Congrès des pays de l'ASEAN.

       Concernant les sujets de recherche menés dans les pays de l'ASEAN, le Japon, Taiwan, Hong Kong, nous nous sommes appuyés sur les publications du congrès mondial de la psychologie de Taipei, 1995, (où Đặng Phương Kiệt a été envoyé comme représentant de N-T).

       Du côté des Philippines, il y a eu le Prof. Bannang, responsable du Département de la psychopathologie et de l'enfant à Manille qui a rencontré la direction de N-T à Hanoi en 1992 et a raconté: il a été faire ses études aux Etats-Unis et comme la plupart de ses collègues il a ouvert des cours de formation aux étudiants dans les universités, dans les années 70. Après avoir consulté nos livres de psychologie édités en langue vietnamienne, le Prof. Bannang a fait la remarque suivante: "Nous avons l'avantage d'être en avance sur les amis vietnamiens mais nous avons le désavantage d'avoir à faire les études en langue américaine n'ayant pas encore de manuels écrits dans notre langue nationale, ce qui fait qu'il y a une dissociation entre les spécialistes et la population qui englobe les gens devant être traités. Vous êtes pour cela en avance sur nous sur ce point". Il a ajouté: "Ce qui est plus triste encore, c'est que les meilleurs étudiants qui connaissent aussi couramment la langue américaine, une fois leur formation terminée, vont exercer leur profession aux Etats-Unis, quel dommage!".

 

 

 

 

 

Quelques faits concrets

                                                                   Docteur  Nguyễn Khắc Viện

Que devons nous faire à l'heure actuelle ?

Par quoi devons nous commencer ? Quelle voie choisir ? Nous espérons qu'avec ce travail nous avons plus ou moins contribué à répondre à ses questions ?

Nous allons tout d'abord présenter quelques faits concrets.

Un enfant de 6 ans, en première année d'école, ne veut pas étudier ou est sans cesse en train de pleunicher ; il est rendu à ses parents par la maîtresse qui dit qu'il est incapacité d'apprendre. L'enfant est ausculté par un médecin qui le trouve en bonne santé, par ailleurs, la famille fournit à l'enfant de bonnes conditions pour la nourriture et les études, les parents s'occoupent de lui : Que faire ? A qui demander conseil ?Quel est l'organisme spécialisé qui peut aider à traiter un tel cas ? Quelqu'un indique de s'adresser à un cabinet de consultation psychologique de N-T.

Là, un pédiatre pratique une auscultation minutieuse. Puis un psychologue observe les réactions de l'enfant pendant l'entretien, pendant qu'il joue, fait l'anamnèse en interrogeant les parents à propos d'éventuels événements ou incidents marquants qui ont eu lieu depuis la naissance. Après lui avoir fait passer des tests, le niveau intellectuel de l'enfant est jugé normal, indiquant qu'il est en capacité d'apprendre. Ce n'est pas un cas de retard mental qui l'empêche de suivre normalement sa classe. L'enfant ne veut pas apprendre parce que son esprit présente des troubles dont il faut le dégager afin qu'il accepte d'apprendre ; Ce n'est pas pédagogie de la maitresse qui est à remettre en cause. Deux méthodes de psychologie clinique qui sont le dessin et l'intérrogation pour connaître les choses dans le moindre détail, ont été utilisées. Après avoir demandé à l'enfant de faire un dessin sur sa famille, on le voit ce dessiner au milieu de ses parents, tenant d'un côté la main de son père, et de l'autre celle de sa mère. Le psychologue, qui connait l'existence de sa petite soeur de deux ans, lui demande où elle se trouve. Il lui a répondu : « C'est une fille, elle n'appartient pas à notre famille parce que quand elle sera grande, elle se mariera et suivra la famille de son mari ». Ainsi, l'indice est devenu clair : l'enfant est jaloux de sa soeur qui reste à la maison et occoupe toute l'attention de ses parents, alors que lui, il est comme puni, doit aller à l'école, loin de la maison, loin de ses parents. Après avoir compris l'histoire le psychologue a conseillé aux parents de modifier leur comportement, de ne pas sans cesse lui répéter « Tu es grand maintenant, pourquoi es-tu si vilain, ta soeur est bien plus sage !». Les parents devraient lui confier des petites responsabilités et lui dire : « Ta soeur est encore trop petite, elle ne peut pas le faire, nous te faisons confiance. Apprends lui à jouer gentiment, et, dans la rue, tu la protégeras de ceux qui veulent l'embêter. Quand tu auras bien appris, tu lui apprendras à lire et à écrire comme la maitresse ».

Dire qu'il s'agit ici d'un cas pathologique est trop exagéré, mais si l'on n'avait pas trouvé l'indice, les conséquences auraient été difficiles à prévoir. Peut-être qu'en grandissant, plusieurs mois après, l'enfant aurait accepté d'apprendre, mais il n'en aurait pas moins perdu du temps et que peut-être même il aurait été jusqu'à redoubler sa classe. Souvent, les enfants qui redoublent leur première année d'école, commencent leur vie scolaire sur un lourd échec, sont facilement dégoûtés de l'école et par la suite ont tendance à abandonner les études.

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Ci-après, nous allons relater un cas contraire au précédent. Un écolier de presque 9 ans, a dû changer plusieurs fois de classes, avoir plusieurs maitres car au bout de plusieurs mois, tous les intituteurs, sans exception, affirmaient qu'il avait un retard mental et qu'il devait suivre des classes spéciales. Mais les parents, de grands intellectuels, disaient que dans toute la lignée familiale, le plus bas diplôme obtenu est un diplôme universitaire et qu'il ne pouvait pas y avoir de cas de retard mental. C'était l'enseignement des instituteurs qui était à mettre en cause. C'est ainsi que l'enfant a dû changer et d'écoles et de maîtres pendant trois années consécutives.  Ce qui n'a servi, en fin de conpte, à rien. Finalement, on est arrivé à emmener l'enfant en consultation psychologique à obtenir les preuves que les parents eux mêmes ont jugés scientifiques pour être enfin convaincus que l'enfant n'était pas apte à apprendre normalement. Trois ans de perdus, trois ans pénibles pour l'enfant, trois ans pénibles pour les parents. Pénibles aussi pour les instituteurs et créant beaucoup de difficultés dans les classes normales entravées par un enfant présentant un retard mental.

Voici l'histoire d'un troisième cas : c'est aussi un écolier de la première classe d'école, turbulent, ne voulant pas écouter la maîtresse, qui somnole souvent. A l'auscultation, on voit qu'il est en bonne santé, qu'il a un bon niveau intellectuel. Quand on lui demande de dessiner, il fait un robot parfaitement détaillé, portant une longue épée et se défendant contre un tas de serpents. L'ensemble du dessin est bien disposé, montrant que l'on a affaire avec un enfant intelligent mais qui ne veut pas apprendre. Pour quelle raison ? En parlant de choses et d'autres, non pas avec l'enfant ni avec les parents, mais avec le grand-père paternel, on a su que depuis quelques mois, le papa a commencé à se lancer dans les affaires, en dehors des heures de son travail, passe son temps avec ses clients, rentre rarement manger à la maison, qu'après un bon repas, il s'attarde de temps à autre avec les serveuses ; le couple est en désaccord, se dispute devant l'enfant et parle de temps en temps de divorcer. L'enfant se montre inquiet, a des nuits agitées, arrive en classe complètement dispersé et s'endort facilement. Le problème ne se limite pas à l'enfant seul et il a fallu discuter avec le grand-père de la façon de faire prendre conscience aux parents de leur responsabilité.

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Un quatrième cas concerne un enfant de presque 7 ans dont le père est venu se confier seul : « Je suis très inquiet pour mon fils de 6 ans et demi qui ment, vole de l'argent, manque les cours pour aller s'amuser avec ses amis. Je l'ai grondé sans effet, je l'ai battu ; au début il avait encore peur, mais maintenant, il ricane quand je le bats comme pour me défier. Comment tout cela va-t-il se terminer ? ».

C'est aussi le cas d'un écolier qui a une bonne santé, intelligent. En essayant de savoir comment cela a pu évoluer ainsi, le père a été emmené à raconter : quand le petit a eu 2 ans, le père est allé faire sa thèse à l'étranger et lorsqu'il est rentré, son fils avait 5 ans. Pendant ces trois ans, son fils et sa mère vivaient ensemble, seuls à la maison. Dès son retour, le père a repris d'office son rôle pricipal dans la famille, prenant des décisions sur beaucoup de choses : Le père supporte mal le côté borné de son fils, accuse la mère de l'avoir trop gâté et décide de le mettre au pas. L'année d'après, la mère donne naissance à un autre enfant, et le fils entre à l'école en première classe. L'enfant devient de plus en plus têtu, désobéit de plus en plus, puis il en arrive à voler de l'argent, à faire l'école buissonnière. La maîtresse est venue chez les parents pour les avertir qu'il y a 1 à 2 enfants de la même rue qui l'entraînent, qu'il faut le séparer d'eux, qu'il faut mieux le surveiller, être plus sévère avec lui. Au début, cela semblait une solution raisonable mais la façon acharnée avec laquelle réagissait l'enfant nous a amenés à agir dans une autre direction. Le père lui-même nous a dit : « Je vois dans son regard, à chaque fois qu'il ricane en provocation, qu'il ne me considère pas comme son père mais comme un ennemi ! ». Il est difficile de ne pas se référer au concept en psychiatrie qui est le complexe d'Oedipe : les petits garçons de 2 à 5 ans voient tous en leur père un ennemi qui s'approprie l'amour de leur mère, ils vivent dans un état contradictoire, aimant respectueusement leur père tout en éprouvant de la jalousie à son regard. Quand tout se passe normalement, vers l'âge de 5-6ans, grâce à une plus grande conscience des réalités, les sentiments et les émotions se détachent d'un égocentrisme absolu et le complexe d'Oedipe s'estompe.

Dans des circonstances anormales, comme dans le cas de l'absence du père durant de longues années alors que l'enfant est âgé de 2 à 5 ans, la mère et l'enfant, restés à la maison, se dorlotent mutuellement, concentrent leur affection l'un sur l'autre, l'enfant s'est approprié sa mère pour lui seul, quand soudainement, un étranger venu d'on ne sait où, vient s'insérer tous les jours de la vie entre la mère et l'enfant, s'empare non seulement de sa mère, mais provoque encore des bouleversements dans la maison et astreint l'enfant à une discipline sévère.

Comment ne pas se sentir lésé et ne pas chercher à se venger ? Si l'on devait juste discuter de philosophie entre amis, être pour ou contre la théorie de Freud n'a pas grande importance. Mais dans ce cas concret comment réagir ? Soit se contenter de suivre la voie principale qui consiste à séparer l'enfant de ses mauvaises fréquentations, suggérer aux parents et aux maîtres de le surveiller de plus près et d'être plus sévère avec lui, soit bien faire prendre conscience au père et à la mère du complexe d'Oedipe afin qu'ils changent leur attitude et leur comportement de tous les jours vis-à-vis de l'enfant dans le but de reconstruire les liens d'affection entre le père et l'enfant qui ont été interrompus sur une longue période. Dans chaque cas individuel, les psychologues doivent faire le choix entre plusieurs voies de traitement. Pour cela ils se doivent d'étudier les grandes théories dont les fondements ont déjà plus ou moins été éprouvés par la pratique.

La psychologie clinique ne se borne pas à faire de chaque cas un cas particulier; elle peut entrevoir une façon générale de traiter à partir d'un cas clinique concret. Nous relatons brièvement les deux cas suivants:

1. Un garçon de 11 ans quitte la maison, manque l'école, vole et ment. Aucun signe particulier n'est détecté lors des consultations médicale et psychologique; une enquête menée auprès de la famille indique que les parents sont divorcés, que l'enfant vit avec son père et sa seconde femme. Depuis l'âge de 10 ans, sont apparus les faits suivants: le père bat l'enfant de façon sauvage, le ligote puis le bat, lui cogne la tête sur la table. L'enfant réagit fortement, va errer dans les rues, finalement sa grand-mère maternelle le prend chez elle pour s'en occuper. Elle l'emmène en consultation psychologique. Vivant chez sa grand-mère, soigné par les psychologues, l'enfant se remet progressivement à étudier, il ment et vole moins. Cependant, quelques temps après, le père vient réclamer l'enfant à sa grand-mère maternelle, car c'est son "droit" et la famille du côté du père argumente que le fils aîné de la lignée ne "peut en aucun cas être élevé par la famille du côté de la mère". Chaque fois que le père menace de reprendre l'enfant, celui-ci se remet à manquer l'école, ce qui le pousse à voler et à errer. Ce cas pose un problème devant la loi: il y a d'un côté le droit du père qui affirme que c'est :son" fils et le droit de la famille paternelle qui peut réclamer le fils aîné de la lignée et il y a d'un autre côté le droit de l'enfant de vouloir vivre avec sa grand-mère maternelle alors qu'il est sauvagement maltraité par son père. Il devient nécessaire que le droit de l'enfant soit protégé par des décrets de loi. Les cabinets de consultation ne peuvent que s'en référer aux organismes de droit.

2. Un enfant de 9 ans est soudainement devenu peureux, joue peu avec ses amis, a des tics et travaille mal en classe. Le département de psychiatrie de l'hôpital de l'Enfant I (Ho Chi Minh ville) n'ayant rien trouvé de particulier après auscultation, l'a envoyé au service de psychologie, soupçonnant un retard mental. Dans le dossier de l'enfant, il est indiqué que son nom de famille est Lâm et qu'il habite dans le 10e arrondissement, dans une rue où il n'y a que des Hoa. Cela suggère immédiatement les difficultés auxquelles l'enfant est confronté pour apprendre le vietnamien. En 1ère et 2e classe, c'est encore facile; cela devient plus difficile en 3e classe où il n'arrive pas à suivre ses camarades, ce qui le rend craintif et complexé. Après l'avoir interrogé, on sait que dans cette famille Hoa, tout le monde parle la langue Hoa, la grand-mère paternelle qui est le chef de famille et la mère ne parlent pas le vietnamien, il n'y a le père qui parle vietnamien mais pas de façon courante. Le matin, devant apprendre le vietnamien, l'après-midi, la grand-mère l'obligeant à apprendre le Hoa, l'enfant doit ainsi subir deux types de contraintes, venant d'une part de la famille, d'autre part de l'école. C'est le lot commun à tous les enfants des familles Hoa vivant dans ces quartiers où ils exercent une activité économique. A partir de ce cas particulier, on voit clairement que dans les écoles des arrondissements où vivent les Hoa, il est nécessaire d'avoir une orientation spéciale pour aider les enfants Hoa à apprendre le vietnamien afin qu'ils puissent suivre le niveau général.

Nous venons de montrer ci-dessus un certain nombre de cas où l'on voit clairement les problèmes qui se posent lorsqu'on veut vraiment "faire" de la psychologie et ne pas seulement se contenter de discuter, enseigner et écrire des livres. Nous avons présenté essentiellement des cas d'enfants de 6-7 ans venant d'entrer à l'école. En fait, le temps d'une vie qui s'écoule depuis qu'on est dans le ventre de sa mère, que l'on naît jusqu'à l'âge de l'adolescence connaît plusieurs environnements dans une société sans cesse en changement. Il est ainsi nécessaire de créer une spécialité de psychologie et de psychopathologie pour l'enfant de façon structurée.

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                                       *

Création d'une nouvelle discipline:

Psychologie clinique et psychopathologie au Vietnam

La création d'une discipline scientifique requiet deux orientations:

- Partir des besoins humains et sociaux, du point de vue de l'individu aussi bien que de celui de la communauté et de l'Etat.

-Prendre connaissance des théories et des expériences pratiques des autres pays en avance par rapport à nous.

En sciences naturelles, il suffit d'envoyer des étudiants et des chercheurs à l'étranger ou bien encore inviter des spécialistes à enseigner pour posséder les bases principales. Le transfert de technologie peut atteindre de 100%. Pour adapter les techniques aux conditions du pays, comme la tropicalisation des machines, il suffit d'appliquer des principes scientifiques fondamentaux bien connus dans les pays développés. Au contraire dans le domaine des sciences humaines, apprendre ce qui se fait dans les autres pays est très important mais il n'est pas possible d'appliquer entièrement le savoir-faire, les concepts, les théories à l'homme et de la société du Vietnam. Il faut principalement partir des réalités de l'homme et de la société du Vietnam. Il faut former un réseau de cadres spécialistes compétents pour résoudre les besoins concrets, tirer des expériences à partir desquelles on peut comparer avec le savoir-faire, les concepts, les théories des autres pays et ainsi déterminer ce qui est général pour tous les peuples et ce qui est particulier à notre peuple. Un Vietnamien avec des doctorats en psychologie et en sociologie obtenus aux Etats-Unis ou en France, ne devient un vrai psychologue vietnamien qu'après avoir longuement travaillé en contact avec la réalité vietnamienne. Un spécialiste étranger, aussi expert qu'il soit, ne peut saisir tous les côtés de l'homme et de la société vietnamienne comme seul quelqu'un du pays peut le comprendre.

Pour traduire les cours spécialisés, les livres étrangers en vietnamien à partir d'un langage différent, même les très bons traducteurs ne peuvent refléter entièrement le contenu. Si l'on compare les textes originaux et les textes traduits, on perd beaucoup du contenu et il y a même souvent des contresens. Le langage en science humaine est plein de subtilité, le contenu de chaque mot se rapporte à plusieurs concepts, idéologies, religions, traditions qui reposent sur une base culturelle de longue date. Un bon traducteur se doit d'être compétent en trois matières:

- En langue étrangère. Cinq années d'étude de langue française dans une université vietnamienne ne peuvent servir couramment que dans le tourisme, la diplomatie et le commerce. Et même, si l'on est en plus un enseignant, on n'est pas plus apte à traduire de la psychologie. Pour faire l'étude en sciences hamaines d'un pays d'Europe, il faut connaître la culture grécoromaine, le christianisme, la Renaissance et la Révolution française, et une série de théories qui ont fleuri aux XIXe et XXe siècles. Et pour posséder tout ce fond culturel, il faut avoir fait 10 à 15 années d'études épuisantes qui vont alors pouvoir servir de base au travail de traduction.

- En vietnamien, en psychologie comme dans d'autres sciences hamaines, le sino-vietnamien est très utilisé pour la richesse de son vocabulaire. Si le traducteur n'a pas cette connaissance, sa traduction sera trop mot à mot avec des expressions non appropriées, des phrases difficiles à compredre. Pour créer une psychologie à caractère vietnamien, vietnamiser les expériences réalisées dans d'autres pays, le psychologue doit aussi posséder le sino-vietnamien.

La discipline de psychologie doit disposer de beaucoup de livres, documents, trvaux rédigés en bon vietnamien, une terminologie précise, il faut que la prose soit coulante. Les personnes qui rédigent et qui traduisent doivent répondre aux 3 critères suivants:

- Bon en psychologie;

- Bon en sino-vietnamien;

- Bon en langue étrangère.

Avoir des structures où l'on peut appréhender la réalité sociale et humaine, disposer de livres en quantité suffisante, c'est pouvoir donner aux étudiants et aux chercheurs les moyens de faire à la fois de la théorie et de la prqtique, ainsi que d'avoir les conditions pour former une équipe de spécialistes de tous niveaux, de plus en plus nombreux et de plus en plus compétents.

Depuis le jour de sa création, alors qu'il est parti de rien, le centre N-T a décidé de mettre en place un système qui comprend:

- Des structures pour la pratique: consultation-test-traitement;

- Une bibliothèque spécialisée;

- Une équipe de cadres spécialisés en psychologie, de niveau secondaire et universitaire.

Avec ce qui a été investi de 1989 à 1994, le centre N-T s'est engagé à réaliser ce projet, espérant contribuer à la construction de la psychologie de l'enfant et de l'adolescent dans notre pays. Et pendant les deux années de 1994 à 1996, la réclisation de ce projet a effectivement permis de réaliser un pas en avant dans l'élaboration des premières bases de cette discipline.

 

 

 
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