NT Foundation - Maternelle et éducation prioritaire
 
 
 
 
Maternelle et éducation prioritaire

Maternelle et éducation prioritaire

Le regard d’une Américaine sur la scolarisation en maternelle

Shanny Peer, directrice des programmes éducatifs de la French-American Foundation, New-York, États-Unis


Quelles sont les raisons qui ont présidé à votre voyage d’étude sur les écoles maternelles situées en ZEP ou en REP ?
Notre association avait déjà organisé plusieurs voyages d’études et publié une série de rapports sur la politique de la petite enfance en France. À chaque fois, l’idée était d’étudier le modèle français et d’identifier les « leçons » que les États-Unis pourraient tirer de l’approche française. Il faut préciser qu’aux États-Unis la politique de la petite enfance n’est pas très développée, et mes prédécesseurs à la Fondation1 ont pensé qui si nous pouvions diffuser des informations sur la politique française dans ce domaine et sur l’existence de très bonnes structures qui sont mises en place, nous pourrions ainsi contribuer à l’évolution de la politique de la petite enfance dans notre pays.

La Fondation a d’abord étudié les structures qui existent en France pour l’accueil des enfants de zéro à trois ans, comme les crèches, le système des assistantes maternelles, etc. Ensuite, nous nous sommes intéressés à l’organisation des PMI et enfin à l’école maternelle. Notre voyage d’étude sur la politique de l’éducation prioritaire a été conçu comme la suite logique de notre travail sur l’école maternelle. Nous avons surtout cherché à comprendre la façon dont la politique de l’éducation prioritaire s’appliquait à l’école maternelle et nous avons publié un rapport à l’issue de cette visite.
Nous nous sommes intéressés aux ZEP parce que nous pensions que l’approche française pouvait offrir un modèle intéressant. En effet, il s’agit d’un système national et universel qui donne la même éducation à tous les enfants mais qui investit des ressources supplémentaires dans les écoles maternelles qui accueillent des élèves défavorisés, plutôt que de les négliger entièrement ou, au mieux, de les mettre dans un programme à part comme nous le faisons aux États-Unis. Je m’explique : aux États-Unis, nous n’avons pas de système national pour l’éducation préélémentaire et, pour les enfants de moins de cinq ans, ce sont les parents qui paient s’ils désirent les inscrire dans une école privée ou les mettre à la crèche, les crèches pouvant être très chères surtout si elles sont de bonne qualité. Par contre, les enfants issus de familles défavorisées peuvent être inscrits dans un programme comme « Head Start » qui est un programme financé par l’État fédéral et qui est destiné uniquement aux enfants pauvres. Il existe aussi de plus en plus d’États qui mettent en place des programmes d’éducation préélémentaire, ce que nous appelons des « state pre-kindergarten programs », et qui sont eux aussi pour la plupart réservés aux enfants vivant au-dessous du seuil de pauvreté. Peu à peu, le public et les législateurs américains évoluent vers l’idée que la société a une responsabilité dans le domaine de l’éducation des jeunes enfants et qu’il est nécessaire de fournir une éducation préélémentaire aux plus pauvres. L’objectif, comme avec « Head Start », est de leur donner un peu d’avance, une sorte de « coup de pouce » avant leur entrée à l’école élémentaire.


Mais l’approche américaine avec ce type de programmes compensatoires conduit à une homogénéité socio-économique totale car les enfants pauvres ne se retrouvent qu’entre eux alors que la mixité sociale pourrait au contraire beaucoup leur apporter. Les écarts entre les classes sociales persistent aux États-Unis et nous pensions que la politique ZEP avait peut-être pu les réduire en France. Je note en passant que nous avons appris que les écarts entre catégories socio-économiques continuent à exister en France, même s’ils ne sont pas aussi importants qu’aux États-Unis. Un autre inconvénient de l’approche américaine et des programmes éducatifs compensatoires destinés aux enfants pauvres est l’absence de soutien public et politique, comme cela aurait été le cas s’ils avaient été universels (comme le programme Medicare qui est une couverture médicale pour les personnes âgées). De ce fait, leur financement public n’est jamais garanti. Avec un système national destiné à tous les enfants, quelle que soit leur appartenance sociale, comme c’est le cas en France, le soutien et le financement public seraient davantage assurés et cela garantirait aux enfants issus de milieux défavorisés des ressources éducatives supplémentaires.


Qu’est-ce qui vous paraît spécifique dans la politique française développée dans les maternelles de ZEP ?
Nous avons souligné, dans notre rapport, certains éléments qui nous sont apparus comme particulièrement intéressants. Ainsi, pour ce qui concerne la scolarisation précoce avec laquelle les Américains ne sont pas du tout familiarisés, nous avons été très attirés par ce que vous appelez les « lieux passerelles » pour faciliter l’entrée à l’école maternelle des enfants de deux ans. Les rapports entre l’école, la famille et la communauté ne sont sans doute pas identiques en France et aux États-Unis et nous avons été séduits par exemple par la mise en place d’« adultes-relais » et par les collaborations qui se construisent entre l’école, les services sociaux et les autres partenaires éducatifs. Un autre élément de réflexion a été l’approche française des enfants non francophones et l’accent mis sur l’apprentissage de la langue française dès la maternelle. En effet, aux États-Unis, nous sommes extrêmement sensibles au fait qu’il existe une multiplicité de langues et de cultures sur le territoire américain, et la plupart des éducateurs insistent sur la nécessité de représenter et de respecter les différences culturelles dans le cadre même de l’école. Il existe beaucoup d’écoles ou de classes bilingues, le plus souvent en anglais et espagnol, dans les écoles américaines, ce qui nous a semblé beaucoup plus rare en France. Nous avons simplement noté cette différence et souligné l’accent mis en France sur l’apprentissage d’une langue nationale dès le plus jeune âge. Il me semble que les différences de conception entre nos deux pays sont telles que nous n’avons pas envisagé qu’une approche semblable soit adoptée aux États-Unis.

Consulter

Le site de la French-American Foundation
> www.frenchamerican.org/

Propos recueillis par Joce Le Breton,
coordinatrice REP à Paris


1 La French-American Foundation est une association qui vise à développer un dialogue actif entre la France et les États-Unis sur des questions de société.

© DGESCO/SCÉRÉN-CNDP, 2004

http://www.educationprioritaire.education.fr/dossiers/maternelle/interviews/le-regard-dune-americaine-sur-la-scolarisation-en-maternelle.html

 

 
Suggérer par mail  Suggérer l'article à un ami
Version imprimable Version imprimable
  _BACK_TOP
Suite...
  • FICHE D'INFORMATION SUR LA FONDATION N-T
  • Biographie du Docteur Nguyễn Khắc Viện
  • La modernité du Docteur Nguyen Khac Vien
  • Le 20ème anniversaire de NT
  • Une nouvelle approche clinique du Centre NT Nguyen Khac Vien
  • Psychoclinique de l’enfant et de l’adolescent au Vietnam
  • La psychologie, un luxe nécessaire
  • Problèmes du jour
  • INFORMATION SUR LA FONDATION N-T
  • SERVICES
  • Organigramme
  • Méthode clinique en psychologie
  • Voici quelques cas clinique
  • Quelques faits concrets
  • Quelque activités de NT
  • Diagnostic – thérapie
  • Récent évenement
  • Visite à domicile
  •  
    Auteurs du centre NT
    Docteur Nguyen Khac Vien, Fondateur du Centre N-T
    Nguyen Thi Nhat, Directrice du Centre NT
     
    Les lecteurs écrivent
    No comment...
    Des troubles psychologiques, des méthodes de consultation et de traitement ...