Problèmes
du jour
Dr NGUYEN KHAC VIEN
26 millions d'enfants de 0-14 ans, sur 66 millions (1991) : Belles
promesses pour l'avenir, une lourde charge pour le présent. Quand on voit
déferler dans les rues le flot des petits écoliers, au sortir de classes
bondées, on se sent assailli pour une lourde inquiétude, tout en ressentant une
impression de vitalité débordante.
Comment nourrir tous ces enfants ?
Le pays dispose de 7 millions d'hectares de terres cultivées, produisant
par un une vingtaine de millions de tonnes de vivres, la ration moyenne par
habitant n'atteint pas 2000 calories/jour et 50% des enfants souffrent de
malnutrition. Certes, avec les techniques agronomiques déjà mises en
application ci et là, on pourrait produire facilement 30 millions de tonnes.
Jusqu'en 1988, le système des coopératives institué trop rapidement avait
paralysé la production agricole, depuis la nouvelle politique agricole a
suscité un déblocage, mais la mise en place des nouvelles structures
socio-économiques se heurte encore à de nombreuses difficultés.
De toute façon, il n'est guère facile de nourrir une population qui
s'accroît de 2,2% par an (1990). Le planning familial est appliqué dans les
villes, mais dans les campagnes qui groupent 80% de la population les familles
aspirent à avoir plus de deux enfants, chiffre avancé par les autorités. Chez
les ethnies montagnardes, comme dans les régions à majorité catholiques, toute
mesure contraceptive est ou ignorée ou pratiquement interdite.
Toutefois, les atouts ne manquent pas : une population laborieuse,
industrieuse, fortement scolarisée, assimilant rapidement les techniques
nouvelles, un gouvernement et une armature de cadres aujourd'hui hautement
conscients de l'acuité des problèmes, une aide internationale relativement
efficace.
Comment les éduquer ?
D'arbord les instruire. Partout parents et enseignants se plaignent de
l'exiguité des locaux scolaires, de la pénurie de livres et de matériel
pédagogique, de la misère dans laquelle vivent les enseignants, de la surcharge
des programmes, de la rigidité des structures scolaires, du caractère suranné
des méthodes pédagogiques.
Néanmoins, on a là aussi des raisons d'espérer.
Depuis une trentaine d'années au Nord, depuis une quinzaine d'années au
Sud, le gouvernement et la population conjuguant leurs efforts sont arrivés à
mettre en place un réseau scolaire omniprésent : si ce réseau présente
maintes lacunes et insuffisances, il a au moins une haute vertu, celle
d'exister. Les écoles, les maîtres, les organismes de gestion, de production de
livres et matériel sont là, prêt à accueillir les mesures de rénovation
nécessaires.
Les conceptions sur l'édification du système scolaire commencent à perdre
leur caractère utopique et volontariste des années passées pour devenir plus
réalistes ; les enquêtes, les expériences pédagogiques, et voire des
études psychologiques se font plus fréquentes. La diversification des
structures devient une politique générale : garderies d'enfants, écoles,
même université privées sont autorisées, les établissemnts de formation
technique avec des cursus variés se multiplient, les programmes s'assouplissent
peu à peu.
La difficulté majeure reste la pénurie matérielle - locaux, livres,
matériel et l'insuffisance notoire du salaire des enseignants. A court terme,
un accroissement substantiel des crédits gouvernementaux à l'enseignement
s'avère indispensable ; à long terme, le problème ne sera résolu que par
un développement économique général.
Comment assurer la formation morale des enfants ?
Les structures sociales traditionnelles se disloquent, les valeurs
d'autrefois n'ont plus cours, parents et enfants sont plus ou moins désemparés,
la mentalité de consommation, induite par l'invation des marchandises
étrangères corrode la moralité publique
et individuelle, la délinquance juvénile s'accroîte dangereusement.
Il est vrai que ces problèmes ne sont pas particuliers au Vietnam. Pendant
les années de guerre, le patriotisme, l'effort de guerre on fourni à tout le
pays une armenture morale et idéologique solide, d'autant plus que l'idéal
socialiste introduisait dans les esprits un ferment nouveau. Le retour à la
paix, les erreurs graves d'une politique économique irréaliste ont miné le
moral d'une grande partie de la population. Des problèmes d'une grande ampleur
et acuité se posent dans les domaines idéologique, philosophique, moral au sein
d'une société très diverse tant par sa composition ethnique (54 groupes
différents) que religieuse et doctrinale. Des influences extérieures d'un grand
poids, venant de l'Union soviétique, de la Chine, de l'Inde, des pays de
l'Occident, du Japon jouent un grand rôle sur cette terre qui toujours avait
été un lieu de rencontre de diverses civilisations. On peut espérer que le
peuple vietnamien, et son intelligentsia, traditionnellement habitué à faire la
synthèse, ou tout au moins à espérer un syncrétisme culturel réussi arriveront
à surmonter les écueils sur la voie du développement économique et culturel.
Comment soigner les malades, protéger la santé des mères et enfants ?
Ici aussi, grande pénurie matérielle,
retard technologique accusé, insuffisance notoire des traitements du corp
médical, tout cela s'explique facilement, 40 années de guerre (1939-1979) ont laissé des séquelles d'une
grande gravité. Ici aussi, le nouveau régime a eu le mérite d'avoir mis sur
pied un réseau médico-sanitaire couvrant même les villages les plus reculés
(n'oublions pas le Dr Pham Ngoc Thach, qui fut le promoteur une politique
médico-sanitaire vigoureuse qui avait précinisé dès les années 60 tout ce
qu'aujourd'hui on appelle médecine communautaire, soins de santé primaires).
Ici aussi, des crédits gouvernementaux importants, une aide internationale
accrue peuvent jouer un rôle décisif. Le corps médical vietnamien est à même,
dans des conditions matérielles meilleures, d'assurer la rénovation du système
médico-sannitaire.
*
* *
Les problèmes dans tous les domaines sont d'une ampleur et d'une acuité
considérables qui exigent des investisements importants, des efforts de
réflexion théorique et d'organisation pratique soutenus, une mobilisation à
grande échelle de la population et des cadres, dans le contexte d'une restructuration
en profondeur de toute la société. Mais ils ne sont pas insolubles. Nous
pensons que le corps enseignant, le corps médical, comme tous les cadres
responsables de la politique de l'enfance, assurés de l'appui du gouvernement
et de la population, et d'une aide internationale grandissante sont capables
d'assurer entièrement leurs responsabilités.
Sans verser dans un optimisme béat, nous faisons confiance à nos collègues,
enseignants, médecins, infirmières, cadres, à tous ceux qui, dans les villages
les plus reculés comme dans les grandes villes doivent (pour combien de temps
encore ?) exercer leur métier, leur sacerdoce dans les conditions de
pénurie extrême. Leur ténacité, leur ingéniosité, leur dévouement permettent
d'envisager l'avenir avec espoir.
Hanoi, mai 1991
(extrait des Etudes vietnamiennes
numéro 2-1992)
FICHE D'INFORMATION SUR LA FONDATION N-T
La
Fondation N-T est un centre d'Etudes de psychologie de l'enfant et de
l'adolescent créé en 1989 par un groupe de médecins, pédagogues,
chercheurs eu sciences sociales pour promouvoir des études en
Psychologie-Psychiatrie de l'enfant, un domaine quasiment inexploré au
Vietnam.
- Siège: 46 Tran Hung Dao - Hanoi.
- Directeur - fondateur: Docteur Nguyen Khac Vien, Pédiatre, Psychologue - Grand Prix de la Francophonie de l'Academie française.
Activités
1.
Création de Consultations Médico-Psycho-Pédagogiques (CMPP) pour
collecter des dossiers cliniques et d'enquête familiale afin d'avoir
des données concrètes sur les réalités socio-psychologiques vietnamiennes.
2.
Rédaction - traduction - édition d'ouvrages et travaux en langue
vietnamienne sur la psychologie-psychopathologie de l'enfant.
3. Formation de cadres à l'échelon secondaire et universitaire.
Conditions de travail
ONG à vocation scientifique, la 1ère de ce genre créée au Vietnam sans but lucratif ne recevant pas de crédits gouvernementaux.
Pas de personnel appointé, membres actifs ou bénévoles ou rétribués (très modestement) par vacation.
Financement:
précaire, dons modestes et sporadiques de la part de personnalités,
d'organismes nationnaux ou internationaux. (Le docteur Nguyen Khac Vien
a consacré la majeure partie du Grand Prix de la Francophonie à financer les activités de N-T)
Travail de pionniers ne peuvent s'appuyer sur aucune structure préexistante.
Réalisations en 6 années (1989-1995)
● 10 CMPP à Hanoi et 5 autres villes.
● Edition: 10.000 pages d'ouvrages et travaux.
● Formation: une cinquantaine de cadres.
Ces
réalisations pourront servir comme premiers fondements pour des
structures à l'échelle nationale le jour où l'Etat vietnamien décidera
de mettre sur pied les institutions nécessaires pour faire bénéficier
les enfants et adolescents des résultats de cette nouvelle discipline
scientifique.
Pour plus de renseignements lire la brochure.
II. LA PSYCHOLOGIE INFANTILE AU VIETNAM.
1. N-T : L'âge de raison
25
mai 1995. Une chaleur étouffante. Une nomreuse asistance cependant
s'est rassemblée dans la grande salle de conférence du ministère des
Sciences, de la Technologie et de l'Environnement (MSTE) pour célébrer
le 6è anniversiares de la naissance de la Fondation N-T.
Etaient présents le ministre Dang Huu, M. Nguyen Duc Binh membre du
Bureau Politique et M. Nguyen Dinh Tu secrétaire du Comité Central
ainsi que les représentants de nombreux organismes. Une exposition de
livres de psychologie en langue vietnamienne, productions scientifiques
N-T et de livres de psychologie en langues étrangères a suscité un
grand intérêt chez les visiteurs ainsi que la projection de deux films
sur des problèmes concernant la psychologie de l'enfant.
Dans
un bref exposé, M. Nguyen Khac Vien, le directeur fondateur de N-T a
évoqué les premiers jours particulièrement difficiles de l'enfant N-T
et le chemin « montant, sablonneux, malaisé » qu'il a dû parcourir dans ses six premières années d'existence. L'accouchement a été plutôt difficil :
en 1989 un organisme privé, autonome ne relevant d'aucun ministère,
d'aucun institut d'Etat s'occoupant de recherche scientifique était
chose inconcervable. Lorsqu'un petit groupe de médecins, pédagogues,
chercheurs en sciences sociales était venu demander au Comité d'Etat
des Sciences et Technique (devenu aujourd'hui le MSTE) l'autorisation
de mettre sur pied un centre d'étude de psycho-infantile, la direction
du Comité avait longuement hésité car aucun texte gouvernemental ne
pouvait servir de base légale à une telle autorisation. Néanmoins la
direction du Comité avait signé cette autorisation, décision qui
suscita pas mal de résistance du côté de certaines administrations. On
peut dire que N-T avait démarré dans des conditions pour ainsi dire
semi-légales. Trois années après, un décret gouvernemental autorise
officiellement la création d'ONG à vocation scientifique.
Il
faut dire que N-T avait obtenu dès sa naissance le soutien moral de
nombre d'organismes et de personnalités gouvernementaux. En janvier
1992 la consultation médico-psycho-pédagogique (CMPP) créée par N-T à
l'hôpital Dong Da (Hanoi), la première de ce genre au Vietnam a reçu la
visite du secrétaire général du Parti Do Muoi qui après avoir observé longuement
le travail fait par les médecins et psychologues N-T, les félicita
chaleureusement et recommenda aux autorités de Hanoi d'apporter à N-T
une aide efficace. N-T a réussi à obtenir le soutien moral d'autres
personnalités de haut rang :
Mme nguyen Thi Binh, le vice premier ministre Nguyen Khanh, le ministre
de la Santé Pham Song, le vice-ministre de l'Education Pham Minh Hac.
*
* *
Si
ce soutien moral avait permis de lever les principaux obtacles de
caractères légal et administratif, il ne pouvait résoudre les grandes
difficultés d'odre pratique apparemment insurmontable.
Tout
d'abord la financement. N-T ne puvait espérer recevoir des crédits
gouvernementaux. L'Etat vietnamien ayant à faire face sur le plan
financier à mille problème beaucoup plus urgents, plus importants que
le fonstionnement d'un centre d'étude de psychologie. On ne peut guère
non plus compter sur la générosité des personnes ou organismes privés
vietnamiens, le groupe fondateur lui-même bien que composé
d'intellectuels de haute qualification ne dispose d'aucune ressource,
le traitement mensuel que chacun reçoit suffisant
à peine à subvenir aux besoins personnels. Les organismes
internationnaux sont plus enclins à soutenir des oeuvres de charité
qu'à accorder leur aide à un centre d'étude de psychologie (on donne
plus facilement des dollars à un centre des soins pour enfants lépreux
ou paralysés qu'à une équipe qui voudrait adapter qeulques tests
mentaux aux conditions socio-culturelles vietnamiennes). On peut dire
que financièrement N-T a toujours travaillé sur la corde raide, obligé
à chaque moment de faire des acrobaties pour joindre les deux bouts.
Brindille après brindille, les membres de N-T, fourmis patientes et
laborieuses ont fini par bâtir leur fourmilière. Le bilan de présenté
lors de la célébration du 6è anniversaire a favorablement impressionné
l'assistance : 10 CMPP fonctionnent actuellement à Hanoi, Ho Chi Minh-ville, Hue, Vinh, Thanh Hoa, Hai Phong ; cùest le seul réseau de CMPP existant actuellement au Vietnam ;
quelques centaines de dossiers cliniques individuels et familiaux ont
été ainsi collectés fournissant des informations précieuses pour la
connaissance des problèmes psychologique et psychopathologique de
l'enafant vietnamien à la période actuelle. N-T est parti du pricipe
qu'on ne peut faire de la psychologie quand se basant en premier lieu
sur la clinique, c'est à dire en abordant de front les problèmes
concrets qui se posent aux enfants et aux familles dans une société en
pleine mutation socio-historique. Cela ne veut pas dire que N-T néglige
les questions théoriques. Nombre d'amis à l'étranger ont aidé à mettre
sur pied une documentation assez bien formé sur des questions
multiples, sur de nombreuses théories et écoles. Piaget, Freud, Wallon,
Winnicot, Vygotski, Carl Rogers, les théories behavioristes ou
cognitives, les neurosciences ont été au moins abordés au cours des
séances d'études ou dans les publications N-T.
*
* *
Nous sommes ici au coeur du vrai problème, de la raison d'être de N-T.
La psychologie et psychopathologie de l'enfant, jusqu'à la naissance de
N-T. Etaient pratiquement inexistante au Vietnam. Certes, elles étaient
enseignées à petites doses dans certaines facultés, mais de façon
purement academique. Jamais aucun professeur de psychologie n'avait
pratiqué la psychologie clinique n'avait à examiner et traiter un
enfant présentant des troubles comportements ou troubles
psychologiques. Les psychiatres, de l'autre
côté, en trop petit nombre, trouvaient à peine le temps de soigner les
adultes schizophrènes qui constituent plus de 90% des cas hospitalisés
ou traités dans des dispensaires. Même chez l'adulte, les troubles
mentaux considérés comme mineurs n'étaient pas pris en considération.
Les pédiatres de leur côté ne voyaient que les aspects biologiques, pensant
tout d'arbord aux problèmes du nutrition, aux médicaments, à
l'équipement technique. La psychologie n'est pas enseignée dans les
facultés de medecine de façon systématique :
Les responsables de l'enseignement pensent en priorité au contenu des
programmes, aux méthodes didactiques, à l'informatique, à
l'enseignement de l'anglais.
Sans
exagérer, on peut dire que N-T est obligé de faire un travail de
pionnier. Pour mener ces activités N-T ne peut s'appuer sur aucune
structure préexistante. Une société nde chimistes par exemple qui se
crée n'a pas à former les cadres scientifiques qui sont ses membres,
ces cadres étant déjà formés par l'université ;
elle n'a pas à créer des laboratoires, ceux-ci étant déjà créés par les
instituts et éditer les ouvrages de base pour ce domaine. Par contre
lorsque N-T veut avoir un dossier clinique, il faut qu'elle crée
elle-même une CMPP. Pour faire fonctionner cette CMPP, N-T ne trouve pas des psychologues cliniciens
déjà formés dans les facultés, elle doit les former elle même. Et pour
cette formation, il faut rédiger, traduire, éditer des manuels,
dictionnaires, ouvrages de référence dans la langue nationale. N-T est
un voyageur qui s'aventure dans une région ou il n'y a pas encore de
route ; Les routes, voies
d'accès, relais doivent être créés au fur à mesure qu'on avance. Même
les fondateurs n'ont pas reçu une formation régulière en matière de
psychologie clinique et psychologie de l'enfant. Mais ils ont
l'avantage d'avoir une longue expérience de pédiatrie, de psychiatrie
d'adulte, d'action sociale et une bonne connaissance de langue
étrangère. A partir de ce capital, ils se sont engagés en créant N-T
dans l'étude de pratique et théorique de la psychologie infantile. Puis
ils ont aidé les plus jeunes déjà médecins ou enseignants ou chercheurs
en sciences sociales à oeuvrer dans cette discipline nouvelle.
Aujourd'hui N-T peut compter sur une cinquantaine de membres dont l'âge
s'échelonne de 80 à 25 ans qui, à des degrés
divers ont acquis une certaine pratique et les connaissances
fondamentales dans ce nouveau domaine. La perspective n'est pas de
découvrir les besoins à l'échelle nationale. Ce problème ne pourra être
résolu que par l'action conjuguée de l'Etat et des organisayions
sociales. On peut espérer que dans un proche avenir ce travail
d'envegure nationale sera pris en main par les organismes d'Etat
responsables. N-T se contente d'ocjectif plus modeste :
créer quelques CMPP pilotes, éditer un certaine nombre d'ouvrages de
travaux de base (10.000 pages déjà mis au point en 1995), former un
noyau de cadres compétents.
*
* *
La
meilleure formule est la coopération entre N-T et un organisme d'Etat.
Pour une CMPP par exemple, un hôpital consacre des locaux, y affecte un
ou plus médecins, des infirmières tandis que N-T délègue un ou
plusieurs de ses membres pour effectuer le travail psychologique et
aider à la formation du corps médical et infirmier au plan
psychologique. Pour le moment N-T est obligé de financer l'équipement
en matériel paychopédagogique, les rétributions
d'appoint pour les médecins et psychologues vacataires, les frais
d'études des stagiaires, la documentation nécesaire. La viabilité des
CMPP dépend surtout de la bonne volonté de la direction de l'hôpital,
car la création de CMPP ne fait pas encore partie de la politique
gouvernementale. La réalisation la plus spectaculaire de ce genre est
le Département de Psychopathologie de l'Enfant créé depuis 1993 à
l'Institut de Protection de la Santé de l'Enfant (IPSE), le plus grand
centre pédiatrique du pays, bâti avec l'aide suédoise (d'où le nom
d'institut Olof Palme). C'est un ensemble hospitalier avec plus de 400
lits, 17 services spécialisés de pédiatrie, centre de soins, de
formation des pédiatres pour tout le pays et de recherche. Un service
spécialisé de neurologie infantile y fonctionnait, sans cependant
accorder beaucoup d'attentions aux problèmes psychologiques. En 1993
une convention a été signée entre l'institut et N-T à la suite de quoi,
le Département de Psychopathologie a été créé avec un bâtiment et un
jardin à part, des salles d'examen psychologique,
des salles et terrains de jeu, une dizaine de lits pour cas urgents ou
enfants venus des provinces lointaines. La grande majorité des cas sont
examinés suivis par la consultation externe. Un projet visant à
introduire les soins psychologiques dans tous les autres services a
commencé à e[tre mis en oeuvre.
La
principale difficulté qui reste est recruter des jeunes pédiatres pour
leurs assurer une formation de pédo-psychiatrie, ce qui demande au
moins 3 ans. Comme cette spécialité n'est pas encore reconnue par
l'université, les stagiaires ne peuvent recevoir des bourses d'études
ou de recherche à cet effet. N-T ne peut leur accorder que des subsides
dérisoires. N-T poursuit ses efforts pour convaincre les autorités
compétentes à promouvoir une politique appropriée.
Un 2è jalon important a été posé en janvier 1995 avec la signature d'une convention entre N-T et le Comité d'Etat
de Protection de l'enfant (CPE), aux ternes de laquelle N-T aidera le
Comité au point de vue scientifique à mettre sur pied un Centre de
Documentation-Traduction sur les problèmes de l'Enfance (CDTE) afin de
servir les chercheurs de nombreux disciplines qui s'occupent de l'enfant : médecine, affaires sociales, éducation des parents, droit, mass média...
Notons que ce Comité a aujourd'hui un statut de ministère ;
ce sera un travail de longue haleine surtout pour la traduction qui
exige des cadres hautement qualifiés et qui, espérons le, sera mené à
bien avec les efforts conjugués des deux partenaires.
A
propos de traduction, une remarque s'impose. Tout l'appareil coceptuel
et théorique en matière de psychologie vient des pays occidentaux.
Comment « vietnamiser » cet acquis précieux, créer une psychologie spécifiquement vietnamienne ? N-T préconise d'oevrer dans deux directions.
Bâtir une psychologie clinique solidement enracinée dans les réalistés socioculturelles du pays.
Créer
une terminologie et une littérature psychologique en langue
vietnamienne en utilisant au maximum les potentialités de la langue
nationale qui dispose dans très riche répertoire de termes déjà rodés
par des siècles d'usage soit populaire, soit littéraire, soit
philosophique et religieux (confucianisme, taoisme, bouddhisme).
Les
rédacteurs de manuels, d'ouvrages de référence, de dictionnaires, les
publicistes spécialisés en psychologie doivent posséder une grande
maîtrise de la langue et de la littérature nationales tandis que les
traducteurs doivent en même temps avoir en haut niveau de connaissance
d'une langue étrangère (anglais, français). Il est vain d'espérer que
la majorité des psychologues vietnamiens puissent lire directement
des oeuvres français et anglais de psychologie , psychiatrie. Seules de
nombreuses traductions bien faites permettent à des jeunes étudiants et
chercheurs de se mettre au courant des travaux faits dans d'autres
pays.. N-T dès les débuts s'est appliqué particulièrement à faire
avancer ce travail (10.000 pages déjà éditées).
Des
CMPP pilotes, nombre d'ouvrages et travaux déjà édités, une
cinquantaine de cadres plus ou moins expérimentés, tout cala forme un
capital certes modeste mais qui permet de poser les fondements d'une
discipline nouvelle qui pourra prendre son essor dès que l'Etat plus aura reconnu un statut
universitaire et accordé les crédits nécessaires pour son
développement. C'est avec la conviction que ce jour viendra dans les
quelques années à venir que les membres de N-T continuent leurs efforts
de pionniers.
*
* *
2. Questions de psychopathologie infantile.
Dans
les deux jours qu'ont suivi la célébration du 6è anniversaire sous
l'égide du MSTE, N-T a organisé un séminaire sur le thème : « Répertorier
les formes cliniques et clasifier les manifestations
psychopathologiques les plus fréquemment rencontrées chez l'enfant
vietnemien dans la période actuelle ».
C'est à partir des dossiers cliniques collectés par les CMPP que
s'opère un travail d'analise et de synthèse tendant à poser les
premiers jalons d'une psycho-pathologie infantile vietnamienne. Ce
travail commencé en 10-1994 devra vers fin 1996 aboutir à la rédaction
de huit monographies portant sur les sujets suivant :
- Psychologie des femmes enceintes, interactions précoces mère-enfant, dépression post-partum.
- A propos des affections dites psychosomatiques chez l'enfant vietnemien.
- L'énurésie, symtôme fréquent mais à signification très diverse.
-
Etude comparée des classifications internationale (ICD 10), américaine
(DSN IV) et française des troubles mentaux chez l'enfant.
- Etude d'un certain nombre de cas de suicide chez les préadolescents et adolescents.
- Psychologie des familles des enfants épileptiques.
- Syndrômes pstchotiques chez l'adolescents.
Deux autres rapports ont été consacrés à deux sujets :
- Le culte des ancêtres à l'heure actuelle dans les familles de Hanoi.
- Quelques traits des familles franco-vietnamiennes résident en France.
A la
fin du séminaire, le directeur de N-T a tiré les enseignements du
travail qui a été fait. Il a insisté particulièrement sur l'inportance
de d'observation et de l'entretien cliniques, négligés par les jeunes
psychologues qui portent toute attention sur la pratique des tests et
questionnaires. Il a rappelé avec force la nécessi té d'effectuer un
travail clinique en profondeur, l'observation et l'entretien cliniques
devant non pas seulement être mis en oeuvre au début de l'examen, mais
tout au long des examens répétés, de l'organisation des jeux et du
dessin, y compris pendant la pratique des tests. C'est seulement sur
cette base qu'on pourra affiner l'analyse des dossiers cliniques et
aboutir à des diagnostics et des mesures thérapeutiques appropriées.
Parmi
les rapports présentés, celui sur la psychologie des femmes enceintes
et les interactions précoces mère-enfant présenté par les doctoresses
Vu Thi Chin et Pham Bich Nhung mérite une attention particulière. Il
s'agit d'un sujet qui pour la première fois abordé au Vietnam.
Jusqu'ici des médecins et sages-femmes s'occoupant des femmes enceintes
et des nouveu-nés ne portaient leur attention que sur les aspects
mécaniques et biologiques de la grossesse, de l'accouchement, de la
néonatologie. N-T a édité en 1990 un opuscule sur les problèmes de
l'attachement, les interactions précoces mère-enfant, sur les travaux
de Spitz, Bowlby puis traduit le test de Brazelton. C'est en
application des séances d'études consacrées à ce sujet (dont un
séminaire tenu en 1993 en coopération avec le CPE) que les deux
raporteurs ont baùti leurs observations cliniques et tiré les premiers
enseignements. Notons aussi que le rapport présenté sur les facteur
psychologiques dans les troubles du langages a été fait par un
professeur chevronné d'oto-rhino-laryngologie de la faculté de médecine qui s'est exprimé à peu près en ces termes : « Jusqu'ici
les ORL vietnamiens se contentaient de travailler au plan
anotomo-physiologique, chirurgical sans tenir compte de ce que
pouvaient ressentir les enfants qui étaient traités. Ils pratiquaient
l'orthophonie sur des bases purement techniques. La Psychologie était
une terra incognita pour les ORL vietnamiens ».
Voici que lui-même, après plus de 30 années de pratique ORL et il y a
moins d'un an ayant assité à des séances d'études N-T, a découvert
l'existance et l'impact des facteurs psychologiques. C'est à partir de
là qu'il a rapporté les premières observations cliniques faites à ce
sujet. Il a aussi exprimé son désir de faire saisir l'importance du
facteur psychologique par ses collègues ORL.
On
peut bien dire que ce séminaire a pour la première fois au Vietnam
cherché à clarifier un certain de questions concernant la
psycho-pathologie de l'enfant. Ce n'est q'un début. La
psycho-pathologie de l'enfant fait ses premiers pas.
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Note :
Comme le CPE hésite encore à mettre sur pied pour le moment un CDT à
l'échelle nationale, la Fondation NT se propse de créer pour elle-même un Département de Documentation-Traduction (DDT) de dimension beucoup plus modeste.